Prêtre d'un Dieu de paix et de miséricorde, O toi que ses puissantes mains Avaient mis sur la terre en exemple aux humains, Comment as-tu rempli ta sainte mission? Toi qui sais, maniant la harpe des archanges, En tirer des sons purs, des modulations Douces comme un écho du doux concert des anges (1), (1) Telles, par exemple, que le chapitre xır du « Livre du Peuple, et les α As-tu pu ramasser, au milieu de nos fanges, Le clairon discordant des révolutions? Tremble qu'en y touchant ta main ne soit rougie Que veux-tu donc ? Quel est le but que se propose . C'est que, dis-tu, le peuple est là que l'on opprime, « C'est qu'il te vient à l'âme une rage cruelle « De voir qu'on mange au peuple et la chair et la moelle, Qu'on boit son sang, et que, comme au chien mort les vers, « Le pouvoir va paissant à ses flancs entrouverts! « C'est que son corps n'est plus rien qu'une immense plaie. « Qu'un cadavre écorché que traînent sur la claie, « Un objet misérable, indicible et difforme, « C'est que, sous le fardeau de tant de tyrannie, « Il ne faut plus parler de lois, de liberté, Et qu'un amas confus d'humaines créatures « Dont la plupart n'ont pas, pour dormir, un fenil, . Ne forme plus, en proie à ses mille tortures, « Une société, mais à peine un chenil (1)! » chapitres XVII, xxv et XL1 des « Paroles d'un croyant », qui tous, tant sous le rapport du but moral que pour le charme du style, peuvent être mis an rang de ce qui a été écrit de plus suave dans notre langue. (1) Ce vers et ceux qui précèdent, depuis et y compris celui-ci : • C'est que, dis-tu, le peuple est là que l'on opprime, » sont imités de M. La Mennais lui-même. Et tout cela, dit-il à la page 56 de son pamphlet intitulé: Le Peuple et le Assez, o prêtre, assez! voilà certe une page Non Lui fait trouver des mots dont la douceur console Et rend, malgré le mal dont leur charme est vainqueur, Celui-là plus que toi se montre charitable, Pourquoi le Créateur, de trésors d'éloquence Et non pour exciter le peuple à la vengeance Gouvernement *, et tout cela pourquoi ? pour se jeter à son tour sur la proie que l'on convoite, pour, à son tour, dévorer le pays, s'engraisser de sa chair el de sa moelle ». « Et nous, dit-il à la page 92, nous vous disons que votre société n'est pas une société, qu'elle n'en est pas même l'ombre, mais un assemblage d'êtres, qu'on ne sait comment nommer ». . Chez un peuple qui en est là, dit-il à la page 80, on ne doit plus parler ni de liberté ni de société, et ce n'est pas une société qu'un amas de créatures humaines réduites à cette extrémité, c'est à peine un chenil ». L'auteur s'est trompé sur le titre : l'ouvrage auquel il répond est intitulé ; le Pays et le Gouvernement ». Voilà ce qui nous a conduit à placer sa critique parmi celles du « Livre du peuple ». Le peuple! oh! que lui sert l'anathème farouche Quel bien lui fait le fiel qui, sorti de ta bouche, S'il est vrai que, courbé sous des lois homicides, De grands mots galoppant sur des coursiers sans brides Et du pain, ce n'est pas des phrases factieuses, Effets tirés sur lui par la mauvaise foi. Tes pamphlets qu'il achète à l'étal de Pagnerre (1), Et ne font quelque bien qu'à Pagnerre et qu'à toi. Puis, l'image des maux dont ton ardeur s'effraie Se plaisent à charger de couleurs sataniques, Quoi donc ce beau pays de France, Où j'étais si fier d'être né, Est-il vrai? ne serait plus rien qu'un parc immense, Tiendraient un peuple emprisonné, Vil bétail par eux destiné A repaître leur convoitise! Quoi! pour comble d'impiété, De tant d'horreurs se fit complice, (1) Pagnerre est, comme on sait, l'éditeur des pamphlets politiques de M. l'abbé de La Mennais, du ci-devant vicomte de Cormenin, de MM. Cabet, Altaroche et autres personnages dont la spécialité consiste à aimer le peuple en paroles. De ses hommes-potences (1), L'innocence livrée à leur iniquité ? Grâce au ciel! tout cela n'est point la vérité, Les rêves dont la nuit tu fus épouvanté ; Et le peuple, Arrive honnêtement, s'il ouvrait, pour les lire, De voir jusqu'à quel point il est infortuné. Fais-nous donc, si tu peux, des contes plus croyables. Que parles-tu de cruauté, De potences, d'iniquité Et de juges impitoyables? La justice jamais, avec plus d'équité, Ne se montra moins formidable. En quels lieux, en quels temps a-t-elle présenté A l'innocent plus de sécurité Et plus d'humanité, même pour le coupable? Vit-on plus de douceur, de longanimité? Que l'on pourrait croire épuisée, De monomanie indulgente Dis donc plutôt que les cœurs sont imbus, Et qu'il s'en fait chez nous un si grossier abus, (1) C'est sous cette qualification que M. l'abbé de La Mennais désigne les magistrats d'aujourd'hui, magistrats qu'il a bien le courage d'assimiler aux |