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de notre existence, on nous force d'obéir aveuglément aux lois physiques, les seules auxquelles nous soyons alors soumis, parce que nous ne sommes encore qu'êtres physiques. Lorsque nous devenons capables de pensée, on nous instruit de ces mêmes lois, on nous les notifie, pour ainsi dire, sans se mettre en peine de les expliquer, et nous y croyons sur le témoignage des autres hommes ou de la société. Ainsi se forme la foi, ainsi la vie se conserve. Ni la raison, ni l'expérience ne sauroient, à cet égard, suppléer l'autorité ; car, avant que la raison ait commencé de poindre, avant que nous ayons pu acquérir aucune expérience, il faut nécessairement ou mourir, ou se conformer aux lois du corps.

Mais l'homme moral et intelligent doit vivre aussi de sa vie propre; il doit connoître, aimer, sans quoi il n'existeroit pas; et la religion n'est autre chose que la loi naturelle de l'intelligence, l'ensemble des rapports ou des vérités qui dérivent de notre nature et de la nature de l'Etre souverainement intelligent. Nous vivons donc plus ou moins de la vie spirituelle, selon la vérité nous est plus ou moins connue; et le plus haut degré de vie ou de bonheur consiste à connoître parfaitement la vérité infinie, et à en jouir pleinement par l'amour. L'ignorance absolue est

que

l'état qui précède la naissance, un profond sommeil de nos facultés; l'ignorance partielle en est Je développement imparfait. Elle diffère de l'erreur en ce que celle-ci n'est pas simplement une privation, mais un désordre, une maladie quelquefois mortelle.

Or combien n'est-il pas absurde de supposer qu'ayant une fin qu'il ne peut atteindre qu'en obéissant à des lois naturelles ou nécessaires, l'homme intelligent n'ait aucun moyen de connoître ces lois; et que, par des volontés contradictoires, ou par une haine insensée pour l'être qu'il venoit de former à son image, Dieu lui eût montré la vie comme un leurre, et ne lui en eût donné le désir que pour être son tourment éternel?

Ne blasphémons point la Divinité; elle veut le bonheur de ses créatures; car la gloire d'un être bon est de manifester sa bonté; il se doit à luimême cette haute justice. Qu'est-ce que le bonheur? le repos de l'ordre; et de quel désordre l'Etre parfait peut-il être auteur? Comment le mal seroit-il l'objet direct de ses volontés? Non, Dieu n'existe pas, ou il veut le salut de tous les hommes. Il ne les punit point d'être sortis de ses mains, et ce n'est pas la haine qui a fécondé le néant. Qui oseroit dire, qui oseroit penser qu'en nous imposant des lois dont l'infraction a des effets

si terribles, il les ait couvertes d'un voile impénétrable à nos yeux? Qu'il ait jeté dédaigneusement tant de millions d'intelligences entre la vérité et l'erreur, entre le bien et le mal, sans moyen de les discerner? Qu'il se dérobe à celui qui le cherche; qu'il étende à ses pieds un océan de ténèbres, et repousse loin du rivage l'infortuné qui s'efforce d'aborder?

Mais pour comprendre toute l'absurdité de l'hypothèse que je combats, il faut s'élever encore à de plus hautes considérations; il faut se représenter l'homme, non comme un être isolé, mais comme un chaînon de la vaste hiérarchie des êtres, comme un membre de l'éternelle société des intelligences. Or tout ce qui est n'existant que pour cette société, et devant concourir à sa perfection, l'homme en particulier doit acquérir toute la perfection que comporte sa nature. Il doit vivre pour que l'ordre universel soit complet, il doit vivre d'une vie parfaite pour que l'ordre lui-même soit parfait. Si l'impossibilité de connoître les lois de l'intelligence le forçoit de les violer, ce seroit Dieu même qui attenteroit volontairement à sa sagesse et à sa gloire; ce seroit, dans l'Etre infini, comme un effroyable essai de suicide.

Au reste, il suffit d'en appeler au témoignage da genre humain. Tous les peuples ont eu une

religion qu'ils croyaient vraie; donc tous les peuples ont cru qu'on pouvoit connoître la vraie religion. Aucune religion, même fausse, ne se seroit établie sans cette croyance. Or les croyances. universelles sont des décisions de la raison géné– rale; les rejeter ou les contester, c'est détruire la raison même. Donc, quelle que soit la vraie religion, il est possible de la reconnoître. Si l'on prétend que tous les peuples ont pu se tromper sur ce point, ils ont pu se tromper également sur l'existence du premier Etre, ils ont pu se tromper sur tout; et dès lors plus de certitude, plus de vé rité, plus d'erreur, mais un doute si profond qu'il n'auroit d'autre expression que le silence.

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Et qu'on n'objecte pas la multitude des cultes divers. Cela prouve seulement qu'en religion, comme en tout le reste, l'erreur peut se mêler à la vérité; cela prouve l'ignorance et les passions de l'homme, la foiblesse de son esprit, lorsqu'il substitue ses propres pensées aux traditions antiques; cela enfin la nécessité d'un examen sérieux, et rien de plus.

prouve

Pour diriger cet examen, il nous reste à cher¬ cher quel est le moyen général offert aux hommes pour discerner avec certitude, entre les diffé rentes religions, la véritable.

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Ce moyen est en nous, ou hors de nous. Les

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seuls moyens de connoître que nous ayons en nous-mêmes, sont le sentiment et le raisonnement hors de nous il n'existe que l'autorité. Donc les hommes doivent parvenir à la connoissance de la vraie religion, soit par le sentiment ou une révélation immédiate, soit par le raisonnement, soit enfin par la voie de l'autorité.

Avant d'examiner à fond chacun de ces trois moyens, nous ferons observer qu'il résulte de nos recherches précédentes, que la certitude n'a point de base en nous-mêmes. N'existant que par la volonté d'un autre être, nos facultés s'appuient né→ cessairement sur quelque chose d'extérieur; et le degré de confiance qu'on leur doit accorder, dépend, en premier lieu, de la nature de l'être par qui elles sont, et, en second lieu, de la connoissance de ce qu'il a voulu qu'elles fussent; ce que lui seul a pu nous révéler. Cette simple considération démontre la nécessité d'un premier témoignage, et celle d'un acte de foi, avant de pouvoir raisonnablement faire usage de nos facultés. Aussi verrons-nous tout à l'heure, par l'expérience de tous les temps, que l'esprit qui s'isole ne sauroit se rien prouver; qu'à mesure qu'il s'enfonce en lui-même ses idées s'obscurcissent, ses croyances se dissipent, sa vie s'affoiblit: inquiet et languissant, il se traîne, dans des ré

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