ODE XIII. CONTRE UN ARBRE DONT LA CHUTE AVAIT FAILLI L'ÉCRASER. Il t'a planté dans un jour malheureux, Celui qui de sa main, main sacrilège, impie, T'a fait grandir, arbre maudit des dieux, Pour la honte du sol qui t'a donné la vie, Et pour l'effroi de ses derniers neveux. Je croirais volontiers qu'il fût un parricide, Que, la nuit, son bras meurtrier A, du sang de son hôte, inondé son foyer. Arbre fatal, vieux tronc presqu'homicide, Oui, celui qui jadis te plaça dans mon champ, Toi, qui faillis tomber sur ton maître innocent, Avait cueilli les poisons de Colchide, Et commis les plus noirs forfaits Que puisse un criminel imaginer jamais. Quels que soient les malheurs que les hommes évitent, Leur prévoyance est toujours en défaut. Quid quisque vitet, nunquam homini satis Cautum est in horas. Navita Bosporum Pœnus perhorrescit, neque ultra Cæca timet aliunde fata; Quam pæne furvæ regna Proserpinæ Sedesque discretas piorum, et Sappho puellis de popularibus; Utrumque sacro digna silentio Mirantur umbræ dicere; sed magis Pugnas et exactos tyrannos Densum humeris bibit aure vulgus. A Carthage, le matelot Redoute le Bosphore et les vents qui l'agitent, Le Parthe craint les fers et le bras intrépide; Mais de la mort les coups inattendus Et les sages errant sous des ombrages frais, Sait, d'une voix plus mâle encor, Chanter les maux de l'onde amère, Et les maux de l'exil et les maux de la guerre ! Dans un religieux silence; Mais les combats, la chute et la mort des tyrans Charmaient surtout la foule immense, Qui, d'une oreille avide, en recueillait les chants. Et pourquoi s'étonner? quand le triple Cerbère, Lui-même à ces accords déposant sa colère, Quid mirum, ubi illis carminibus stupens Demittit atras bellua centiceps Aures, et intorti capillis Eumenidum recreantur angues? Quin et Prometheus, et Pelopis parens Nec curat Orion leones Aut timidos agitare lyncas. Restait interdit et muet; Les serpents qui des Euménides Enlacent les cheveux dans leurs tresses livides, Trouvaient à les entendre un plaisir plein d'attrait; Tantale et le fils de Japet Trompaient pour un moment leur torture éternelle, Et l'ardent Orion, arrêté dans son zèle, Laissant dormir et ses chiens et ses traits, Oubliait à son tour les hôtes des forêts. |