ARTICLE V.

De la direction de l'Aimant & de fa Déclinaifon.

APRÈS AVOIR CONSIDÉRÉ les effets de la force attractive de l'Aimant, confidérons les phénomènes de fes forces directives. Un Aimant, ou ce qui revient au même, une aiguille aimantée fe dirige toujours vers les poles du globe, foit directement, foit obliquement, en déclinant à l'eft ou à l'oueft, felon les tems & les lieux, car ce n'eft que pendant un affez petit intervalle de tems, comme de quelques années, que dans un même lieu, la direction de l'Aimant paroît être conftante, & en tout tems il n'y a que quelques endroits fur la terre où l'aiguille fe dirige droit aux poles du globe, tandis que par-tout ailleurs elle décline de plus ou moins de degrés à l'eft ou à l'ouest fuivant les différentes pofitions de ces mêmes lieux.

Les grandes ou petites aiguilles aimantées fur un Aimant fort ou foible, contre les poles ou contre les autres parties de la furface de ces Aimans, prennent toutes la même direction en marquant également la même déclinaifon dans chaque lieu particulier.

Les François font, de l'aveu même des étrangers, les premiers en Europe qui aient fait ufage de cette connoiffance de la direction de l'Aimant pour fe conduire dans leurs navigations (a); dès le commencement du douzième fiècle, ils naviguoient fur la méditerranée guidés par l'aiguille aimantée, qu'ils appelloient la la marinette (b); & il est à préfumer que, dans ce tems, la déclinaifon de l'Aimant étoit conftante, car cette aiguille n'auroit pu guider des Navigateurs qui ne connoiffoient pas fes variations, & ce n'est que dans les fiècles fuivans qu'on a obfervé fa déclinaifon dans les différens lieux de la terre, & même aujourd'hui l'art néceffaire à la précifion de ces obfervations n'est pas encore à fa perfection. La marinette n'étoit qu'une bouffole imparfaite, & notre compas de mer, qui eft

(a) Par le témoignage des auteurs Chinois, dont MM. le Roux & de Guignes ont fait l'extrait, il paroît certain que la propriété qu'a le fer aimanté de fe diriger vers les poles, a été très-anciennement connue des Chinois; la forme de ces premières bouffles étoit une figure d'homme qui tournoit fur un pivot, & dont le bras droit montroit toujours le midi. Le tems de cette invention, fuivant certaines chroniques de la Chine, eft 1115 ans avant l'ère chrétienne, & 2700 felon d'autres, (Voyez l'extrait des annales de la Chine, par MM. le Roux & de Guignes). Mais, malgré l'ancienneté de cette découverte, il ne paroît pas que les Chinois en aient jamais tiré l'avantage de faire de longs voyages.

(b) Mufchem broeck, Differtatio de magnete.

la bouffole

la bouffole perfectionnée, n'eft pas encore un guide auffi fidèle qu'il feroit à defirer; nous ne pouvons même guère efpérer de le rendre plus sûr, malgré les obfervations très-multipliées des Navigateurs dans toutes les parties du monde, parce que la déclinaifon de l'Aimant change felon les lieux & les tems. Il faut donc chercher à reconnoître ces changemens de direction en différens tems, pendant un auffi grand nombre d'années que les obfervations peuvent nous l'indiquer, & enfuite les comparer aux changemens de cette déclinaifon dans un même tems en différens lieux.

En recueillant le petit nombre d'observations faites à Paris dans les feizième & dix-feptième fiècles, il paroît qu'en l'année 1580, l'aiguille aimantée déclinoit de onze degrés trente minutes vers l'eft, qu'en 1618, elle déclinoit de huit degrés, & qu'en l'année 1663 elle fe dirigeoit droit au pole; l'aiguille aimantée s'eft donc fucceffivement approchée du pole de onze degrés trente minutes pendant cette fuite de quatre-vingt-trois ans, mais elle n'est demeurée qu'un an ou deux ftationnaire, dans cette direction où la déclinaifon eft nulle; après quoi l'aiguille s'eft de plus en plus éloignée de la direction au pole (c), toujours en déclinant vers

(c) Dans l'année 1670, la déclinaifon étoit de 1 degré 30 minutes vers l'oueft, & l'aiguille a continué de décliner dans les années Aimant. V

l'oueft; de forte qu'en 1785, le 30 Mai, la déclinaifon étoit à Paris de vingt-deux degrés (d). De même on peut voir, par les obfervations faites à Londres,

fuivantes, toujours vers l'oueft; en 1680, elle déclinoit de 2 deg. 40 min. En 1681, de 2 deg. 30 min. En 1683, de 3 deg. 50 min. En 1684, de 4 deg. 10 min. En 168;, de 4 deg. 10 min. En 1686, de 4 deg. 30 min. En 1692, de 5 deg. 50 min. En 1693, de 6 deg. 20 min. En 1695, de 6 deg. 48 min. En 1696, de 7 deg. 8 min. En 1698, de 7 deg. 40 min. En 1699, de 8 deg. 10 min. En 1700, de 8 deg. 12 min. En 1701, de 8 deg. 25 min. En 1702, de 8 deg. 48 min. En 1703, de 9 deg. 6 min. En 1704, de 9 deg. 20 min. En 1705, de 2 deg. 35 min. En 1706, de 9 deg. 48 min. En 1707, de 10 deg. 10 min. En 1708, de 10 deg. 15 min. En 1709, de 11 deg. 15 min. En 1714, de 11 deg. 30 min. En 1717, de 12 deg. 20 min. En 1719, de 12 deg. 30 min. En 1720, 1721, 1722, 1723 & 1724, de 13 deg. En 1725, de 13 deg. 15 min. En 1727 & 1728, de 14 deg. Mufchembroeck, differtatio de magnete, page 152.... En 1729, de 14 deg. 10 min. En 1730, de 14 deg. 25 min. En 1731, de 14 deg, 45 min. En 1732 & 1733, de 15 deg. 15 min. En 1734 & 1740, de 15 deg. 45 min. En 1744, 1745, 1746, 1747 & 1749, de 16 deg. 30 min. Encyclopédie, article aiguille aimantée. En 1755, de 17 deg. 30 min. En 1756, de 17 deg. 45 min. En 1757 & 1758, de 18 deg. En 1759, de 18 deg. 10 min. En 1760, de 18 deg. 20 min. En 1765, de 18 deg. 55 min. 20 fec. En 1767, de 19 deg. 16 min. En 1768, de 19 deg. 25 min. Connoiffance des tems, années 1769, 1770, 1771 &

1772.

(d) Extrait des obfervations faites à l'Obfervatoire royal en l'année 1785.

qu'avant l'année 1657 l'aiguille déclinoit à l'eft, & qu'après cette année 1657, où fa direction tendoit droit au pole, elle a décliné fucceffivement vers l'oueft (e).

La déclinaifon s'eft donc trouvée nulle à Londres, fix ans plutôt qu'à Paris, & Londres eft plus occidental que Paris de deux degrés vingt-cinq minutes. Le méridien magnétique coincidoit avec le méridien de Londres en 1657,& avec le méridien de Paris en 1663; il a donc fubi, pendant ce tems, un changement d'occident en orient, par un mouvement de deux degrés vingt-cinq minutes, en fix ans, & l'on pourroit croire que ce mouvement feroit relatif à l'intervalle des méridiens terref→ tres, fi d'autres obfervations ne s'oppofoient pas à cette fuppofition; le méridien magnétique de la ligne fans déclinaison, paffoit par Vienne en Autriche, dès l'an

(e) L'aiguille aimantée n'avoit aucune déclinaifon à Vienne ca Autriche dans l'année 1638; elle n'en avoit de même aucune en 1600 au Cap des aiguilles en Afrique; &, avant ces époques, la déclinaifon étoit vers l'eft dans tous les lieux de l'Europe & de l'Afrique. Mufchembroeck, page 166.... Ceci femble prouver que la marche de la ligne fans déclinaison, ne se fait pas par un mouvement régulier, qui rameneroit fucceffivement la déclinaifon de l'eft à l'oueft; car Vienne étant à quatorze degrés deux minutes trente fecondes à l'eft de Paris, cette ligne fans déclinaison auroit dû arriver à Paris, plutôt qu'à Londres, qui eft à l'ouest de Paris, & l'on voit que c'eft tout le contraire, puifqu'elle eft arrivée fix ans plutôt à Londres qu'à Paris.

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