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DISCOVRS

SUR LES SATYRES.

Lena, qui croyent, que l'on a donné ce nom à cotte forte de Poëme, où l'on fait entrer un grand mélange de differents fujets, parce que les-Anciens, nommoient lanx Satyra, un plat où l'on prefentoit une grande varieté de fruits.

Il y en a d'autres, aufquels cette étymologie ne plaift pas, & qui préférent celle, que l'on prend des Compagnons de Bacchus, qui furent nommés Satyres, parce qu ils eftoient extrémement libres dans leurs paroles.

Les uns prétendent auffi que la Satyre commença dans la Grece, où on la recitoit entre les Actes. Mais un Sçavant Critique de ce temps a écrit dans fon Livre, de ludicra dictione, qu'elle est toute Latine, & que Lucilius en eft l'Auteur.

Ce qui pourroit neanmoins faire croire que les Satyres ont efté jointes à la Tragedie, eft que les premieres furent écrites en Vers Jambiques, qui font propres au Theatre, felon la Remarque d'Horace:

Les Celebres Satyres Menippées de Varron eftoient de ce caractere, & Lucile mefme fuivit cette maniere. Mais chacun peut en juger ce qu'il luy plaira,

Pour ce qui eft de la definition de la Satyre, je fuis bica furpris que Scaliger nous ayt donné celle.cy. Eft autem Poema liberum, fimileque Satyrica natura, omnia fus deque habens, modo aliquid dicat, Celt an Poeme libre, & dont l'air à quelque chofe de celuy 'des Compagnons de Bacchus. Il n'y a point d'ordre: C'est un renversement de toutes chofes, Il fuffit à sa perfection qu'il y ayt beaucoup de traits piquants, & une continuelle médifance. Ce jugement paroift bien indigne d'un homme de Letres.

Peut-on croire qu'Horace, qui entendoit fi par faitement toutes les Re les de la Poetique que Ju venal, qui s'y eftoit exercé depuis tant d'années, que Perfe, qui avoit de l'efprit, & de l'érudition ayent compofe leurs Satyres fans aucun art, & qu'ils n'ayent cu pour but que de remplir un Poeme de plaifanteries & de mé difances? G

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Jayme mieux avoir un peu moins d'eftime pour Scaliger, & ne dérober pas à ces Anciens Poetes la gloire qu'ils ont meritée:

La Satyre n'eft point un Poeme libre, c'eft à dire, où l'on fait entrer tout ce que l'on veut Son fujet principal eft de reprendre les vices des hommes, & ce n'eft pas fans ordre, & aveuglément qu'elle les condamne,

Les vices peuvent eftre confiderés en deux manie res. Premierement en ce qu'ils ont quelque chofe, qui choque la raifon, Ce qui doit les faire confide rer comme une folie, ou une extravagance. Secondoment en ce qu'ils ont quelque chofe, qui eft contre l'ordre établi entre les hommes. Ce qui doit les faire mettre au rang de l'in uftice.

De là naiffent deux manieres de les reprendre, ou en fe moquant, parce que la raillerie eft une jufte pu

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nition de l'extravagance, ou en les condamnant avec force, parce que toute injuftice merite d'eftre feverement condamnée.

Les Poëtes Satyriques ont pris une de ces deux manieres, ou toutes les deux enfemble. Horace, quiavoit l'esprit extremement fin & délicat, s'est con-tenté de faire paroître les vices, par ce qu'ils avoient de ridicule, & de s'en moquer. Juvenal a eu plus d'étendue, & faifant voir combien y a d'injustice, il les a condamnés fortement avec ai grear, & en infpirant non Teulement le mépris qu'on en doit faire, mais auffi l'averfion que l'on en doit avoir. mood on Jurcq syynsla upshots 225 paverdur

Il n'eft donc pas vray que les Satyres n'ayent pas leur methode particuliere; mais de plus en tradur-fant celles de Juvenal, j'ay remarqué que fes exordes font prefque tous pris de la mefme maniere, & qu'ily détourne la hayne que l'on a contre ceux qui: érigent en Cenfeurs d'autiuy fur quelque autre ferfonhage, qu'il imroduit, comme s'il n'eftoit pas luy mefme Auteur de fes Satyres arantee ab anya

Ainfi dans la premiere il fait voir qu'il a vercus Jong temps fans écrire, qu'il ne peut le réfoudre à traiter de vains fujes, comme les autres Poëtes, & que s'il écrit des Satyres, il ne s'en faut prendre qu'aux defordres de Rome, que l'on tre fans les condamner.

ne peut connoî

Dans la feconde il femble d'abord qu'il prefere de s'aller cacher à l'extrémité du monde, plûtoft que de condamner les meurs de fon fiecle Comme neanmoins il en paroift fort irrité, il fe donne l'occafiən de juftifier la condamnation qu'il en fait, comme sil eftoit plûtoft défendeur en cette caufe, que demandeur

Dans la troifiéme il ne parle d'abord que de for ami, qui fort de Rome; & pour avoir lieu de luy en faie dire tout ce qu'il en penfe, il choifit le temps &

le lieu. Le temps eft celuy de fon départ, où toutes les paffions fe font le plus fentir. Le lieu eft le bois où Numa parloit à Egerie, & ou le fouvenir d'un temps fi heureux luy donne occafion de parler des miferes, & des defordres de fon temps,

Dans la quatrième c'eft Crifpia, qui fe prefente luy meme à la Satyre; cen'eft pas elle, qui le cherche. Ecce iterum Crifpinus. U paroift que le Poete n'y penfoit pas, & que c'eft ce favori luy mefme, qui vient à luy, & qui lengage à é rire.

Dans la cinquiéme avant que de parler contre les Parafites, il protefte à un d'entre eux qu'il ne veut. pas croire qu'il n'en ayt point de honte, ny de repentir.

Dans la xiéme où il déploye tout ce que la Satyrea de plus fort & de plus violent, n'a-t-il pas mênagé le commencement avec un art merveilleux? Car pour montrer qu'il fait donner les louanges, que la vertu merite, & qu'il n' n'écrit point par l'emportement d'une colere aveugle, il loue d'abord le Regne de Saturne Et c'cft par cette comparaifon Satyrique qu'il commence fi à propos la condamnation du mariage, & des femmes. Il est vray neanmoins que s'il a eu de l'excés, & que s'il s'eft laillé emporter au ftyle de la Doclamation, ç'a efté dans cetto Satyret

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Cette induction fuffit pour montrer qu'il y a de la Regularité dans les Satyres, comme dans tous les autres Poëmes. En effet il ne faut pas croire que toute forte de fujets entrent indifferemment dans la mesme Satyre Chacune a fon unité, qui luy eft propre, & qui la diftingue, & fi l'on y mêle quelque autre ehofe, c'est en fecond lieu, comine fubalterne, ou pour ufer des termes de la Poetique, par Epifode.

Y at il rien de plus fimple que le fujet de la feptiéme Satyre, ou en parcourant toutes les differentes

profeflions, il monftre que les richeffes ne font pas la recompenfe du merite

On peut dire la mesme chofé de la Buitième, da il ne parle que de la veritable Nobleffe, dela neuviéme, où il fait rendre compte à Nevole de ce qu'il fait dans la débauche, pour y reprefenter les veritables miferes, qui font infeparables d'une vie dereglée. Je laifle à juger du fujet de toutes les autres, pour conclure qu'il y a un att veritable de compofer desSatyres, & que les Anciens ont fuivi certaines Regles, qu'il eft difficile d'imiter, mais qu'il est aysé de remarquer dans leurs Ouvrages.

Si on en confidere la fin, c'elt de rendre les vices ridicules, & haifables: fi on en demande la forme, elle reffemble quelquefois aux Comedies, & l'on y introduit des Acteurs, quelquefois elle eft fimple, & il n'y a que le Poete, qui parle, ou mefmes elle eft mêlée. d'Acteurs, & du Poete. La qualité la plus neceffaire dans celuy qui en eft l'Auteur eft une ame libre, élevée au deffus de la baffeffe des opinions communes qui ne fait ce que c'eft que la contrainte, la fervir de, la complaifance, & la flaterie. Il paroift que Juvenal a furpaffé en cela Horace: Car il femble qu'il y a beaucoup d'égards dans les Satyres d'Horace, qui n'ofe prefque reprendre, & qui ne le fait que fort doucement. Au contraire on voit que Juvenal pourfuit avec ardeur, tous les vices de fon ficcle, qu'il n'épargne perfonne, & que comme un guerrier intrepide, il fe prefente hardiment au combat

Pour avoir le plaifir de cette Poefie, il faudroit con-noiftre parfaitement les perfonnes, qui y ont de l'in tereft: car la raillerie touche bien davantage, lors que ceux fur qui elle tombe, ne font pas inconnus.. Comme on ne dit jamais tout, quand on fe moque un peu finement, la connoiffance que l'on a des perfonnes ayde à adjoûter le refte, & ce qui feroit

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