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Viens, le front couronné de chêne et de laurier,
Comme on te vit jadis dans les beaux jours d'Athène,
Viens enfin, sur les bords arrosés par la Seine,
De ta main triomphante ouvrir en nos remparts
Le temple de la Paix et le temple des Arts!

Il existe sans doute une cause éternelle:

Tout fut créé, tout vit, tout se soutient par elle;
Tout change, et rien ne meurt au sein de l'univers.
Mais de voiles sacrés nos yeux long-tems couverts
Idolâtrent encor de frivoles mystères,
D'une trop longue enfance hochets héréditaires.
Ces milliers de soleils aux fécondes clartés,
Dans l'abîme des cieux pompeusement jetés;
Des mondes infinis l'opulente structure :
Tout proclame un seul Dieu, l'âme de la nature;
Mais des dieux qu'il a faits l'homme a peuplé le ciel.
On nous oppose en vain l'instinct universel,
Les peuples policés, les peuplades sauvages,
Créant, multipliant, adorant des images;
De victimes, d'encens, les Dieux environnés,
Et devant leurs autels les siècles prosternés;
Ce long assentiment pourra-t-il nous confondre?
Épicure et Lucrèce osèrent y répondre:

Le monde entier parlait; mais leur génie altier
Prétendit réfuter la voix du monde entier.
Leur flambeau me conduit; leur audace m'anime.
Et que prouve en effet ce concours unanime?

Par les premiers humains le mensonge inventé
S'accrut en vieillissant, tous les jours répété.
La crainte fit les Dieux; l'intérêt fit les Prêtres;
Nos pères effrayés en ont cru leurs ancêtres,
Qui, des mêmes frayeurs se laissant dominer,
S'étaient pressés de croire, au lieu d'examiner.
Vous craignez; vous croyez; et vos enfans timides,
Suçant, avec le lait, des préjugés stupides,
Vont peut-être inspirer cette antique terreur
A des enfans, comme eux héritiers de l'erreur.
Avec notre univers le mensonge commence.
Jusqu'au premier chaînon de cette chaîne immense,
Je saurai, du vulgaire affrontant le courroux,
D'un vol précipité remonter avec vous,
Jusqu'au dernier chaînon pas à pas redescendre;
Des siècles, des cités, interroger la cendre;
Et, d'un ton simple et vrai chantant la vérité,
Verser dans tous mes vers sa sainte austérité.

De l'univers Dieu seul est la cause première :
Son souffle créateur fit jaillir la lumière,
Alluma ce soleil qui semble roi des cieux,
Et peupla de la nuit les champs silencieux.
Aux élémens rivaux il assigna leur place.
Immobile et planant au centre de l'espace,
Le feu générateur circule dans les airs,
Rend la terre fertile, et vit au sein des mers.
C'était encor trop peu: la nature féconde

Créa le mouvement, seul organe du monde;
Divisa les saisons, et les mois, et les jours;
Des globes lumineux détermina le cours;

Et d'un tropique à l'autre, en sa route ordonnée,
Fit monter tour-à-tour et descendre l'année.

Le doux printems, paré de ses jeunes couleurs,
En promettant des fruits, se couronna de fleurs;
L'été de ses moissons prodigua les richesses;
L'automne du printems acquitta les promesses;
Et l'hiver conserva sous d'utiles glaçons.

Le germe heureux des fleurs, des fruits et des moissons.

C'était pendant les jours où tout se renouvelle,
Quand le ciel est plus pur, quand la terre est plus belle,
Quand tous les animaux paissaient au fond des bois,
Sous l'œil de la nature, et soumis à ses lois,

Que l'homme, son chef-d'œuvre, objet de leur envie,
Vint s'asseoir auprès d'eux au banquet de la vie.
Sa mère, de bienfaits ardente à le combler,
S'enorgueillit des dons qu'elle a su rassembler.
L'homme unit dans son port la grâce et la noblesse,
Dans ses membres nerveux la force et la souplesse;
La flamme du génie étincelle en ses traits;
Il s'avance; et, tandis qu'au sein de leurs forêts
Ses sujets vagabonds sont courbés vers la terre,
L'homme seul, déployant un plus grand caractère,
Lève vers le soleil son front audacieux,
Et d un regard sublime interroge les cieux.

De lui-même étonné, lentement il admire
Le monde, son séjour, et son futur empire;
Promenant avec joie un regard incertain,
Il sourit à la terre, aux rayons du matin;
Tout surprend, tout ravit, tout captive sa vue:
Et les bois, et les monts élancés dans la nue,
Et l'horizon des cieux, et l'horizon des mers,
Et le mobile émail dont les prés sont couverts.
Des nations de l'air il entend le ramage,
Le fracas des torrens, le doux bruit du feuillage,
Le murmure plus doux des ruisseaux argentés
Par le vent des forêts mollement agités.

L'instinct des voluptés conduit sa marche errante;
Il respire à longs traits, dans la plaine odorante,
Les esprits parfumés de ces naissantes fleurs
Dont son œil attentif admirait les couleurs.
Ses sens épanouis fécondent sa pensée;
Et déja vers les fleurs sa main s'est élancée.
Déja la faim, la soif, éveillent ses désirs;
Tous ses besoins nouveaux sont de nouveaux plaisirs:
Sa bouche, au sein des fleurs, savoure les délices
D'un miel pur, déposé sur leurs brillans calices;
Goûte ces végétaux, les premiers alimens,
D'une terre encor vierge utiles ornemens;
Boit l'humide cristal qu'épanche une fontaine
Qui, tombant des rochers, désaltère la plaine.
Cependant il soupire; et, déja tourmenté,
Parcourt avec dégoût ce rivage enchanté.

Tout est beau devant lui; mais tout est solitude; L'univers, pour calmer sa vague inquiétude, Étale vainement cent prodiges divers :

Un être manque à l'homme, et manque à l'univers.

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