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FRAGMENS D'UN POEME

SUR

LES CAMPAGNES D'ITALIE.

L'Italique1, en son âme, agrandie et charmée,
Déroule les destins promis à son armée.
Cependant la trompette a sonné le réveil:
Les Français, devançant le retour du soleil,
Ont marché vers le fleuve; et déja leur présence
A subjugué de loin les remparts de Plaisance.
Penser, exécuter, n'est pour eux qu'un instant.
Loin des murs de Pavie, où Beaulieu2 les attend,
Ils franchissent les flots sur cent barques rapides.
L'airain menace en vain ces guerriers intrépides;
Et l'Éridan vaincu sourit à leur aspect.

Sur la rive opposée il porte avec respect

1. Napoléon fut appelé, en 1796, au commandement en chef de l'armée française en Italie; et ses conquêtes lui valurent le surnom d'Italique.

2. Beaulieu, général autrichien, commandait l'armée ennemie à cette époque.

Joubert, que le péril trouve toujours paisible;
La Harpe l'invaincu, Masséna l'invincible;
Augereau, dont le bras porte des coups certains;
Berthier, dont le coup d'œil enchaîne les destins.
Sur les flots étonnés leur marche triomphante
Dans le camp de Beaulieu va semer l'épouvante.
Il voit de Fombio les murs abandonnés,
Les Français triomphans, ses soldats consternés.
Le vainqueur les poursuit; et l'Adda sur ses rives
Accueille avec frayeur leurs bandes fugitives.
Mais vous, Français ! pleurez: quand l'aigle a succombé,
Atteint du plomb mortel, un héros est tombé:
C'est La Harpe. Il naquit sur les monts helvétiques;
Il suça les vertus de ces guerriers rustiques
Qui, bravant de Gesler les insolentes lois,
Les premiers dans l'Europe ont aboli les rois.
Sa bouche en expirant fait des vœux pour la France.
Ah! le Ciel remplira ta sublime espérance,
Chef digne des Français! tu ne perds point ta mort:
Beaulieu vient de ployer sous ton dernier effort.
La victoire te suit dans ta demeure sombre.
Adieu! la terre illustre où repose ton ombre
Sera toujours légère, et couverte de fleurs;
Et les enfans du brave y verseront des pleurs.

Le superbe Éridan contemple avec ennui,
Et les champs qu'appauvrit l'opulence des villes,
Et ses flots condamnés à des tributs serviles.

Tout à coup des Français il voit les étendards,
Et cette Liberté dont les rians regards

En des tems plus heureux égayaient son rivage:
Le fleuve, impatient d'un trop long esclavage,
Reconnaît la déesse, et bénit son retour.

Mais le jour baisse et fuit; la nuit règne à son tour.
Tout dort; le héros veille, et médite sa gloire.
Un doux repos, si doux quand il suit la victoire,
Couvrait le camp français, et la terre et les cieux;
Zéphyr berçait les flots purs et silencieux;
Et la lune argentait le fleuve et la prairie,
Lorsque des vieux Romains l'immortelle Patrie,
D'un pas majestueux sortant du fond des bois,
Apparaît au héros, non telle qu'autrefois

Aux bords du Rubicon César la vit descendre:
Pâle, les yeux baissés, le front couvert de cendre,
Reprochant au vainqueur ses coupables succès,
Et du fleuve sacré lui défendant l'accès;
Mais conservant l'orgueil de sa gloire éclipsée;
Portant sur l'avenir sa lointaine pensée;
Les yeux levés au ciel, le front paré de fleurs.
<«< Salut! jeune héros, qui viens sécher mes pleurs,
<< Dit-elle: ah! je me joins aux drapeaux de la France;
« Et mon cœur oppressé ressaisit l'espérance.

((

Souvent, lorsque d'un roi le sacrilége orgueil

<< Dans mes champs violés venait porter le deuil,

«Ma voix contre Brennus redemandait Camille:

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<< Mes languissantes mains tenaient l'urne d'Émile... « Mais j'ai de mon bonheur des présages certains; « Et les dieux adoucis m'accordent tes destins.

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Regarde autour de toi : Cette terre est captive; « Du Tibre sans honneur vois l'aigle fugitive « Abandonnant la foudre à l'aigle des Germains; « Au joug accoutumés, les enfans des Romains << Ne savent plus rougir au nom de leurs ancêtres; L'Empire et ses soldats, la tiare et les prêtres,

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« De l'Italie en pleurs s'arrachent les lambeaux;

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<< Rome, veuve et muette, erre au fond des tombeaux. Qu'aux bords de l'Éridan, de l'Adige et du Tibre, « Le peuple roi s'éveille aux chants du peuple libre! « A l'auguste Vesta rends ses feux immortels!

« Chez les enfans de Mars que Mars ait des autels! Que le Dieu qu'invoquaient Décius et Scévole

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<< Rallume encor sa foudre, et veille au Capitole! »> Elle dit: d'un coup d'œil elle implore les cieux, Et fuit dans l'épaisseur des bois silencieux.

L'ART DU THÉATRE',

POËME EN QUATRE CHANTS.

CHANT PREMIER.

FRAGMENS.

JE dirai l'art des plans, et des mœurs et du style,

Et la scène française en obstacles fertile.

Vous tous, qui recherchez les palmes de la scène,
Soit que vous courtisiez Thalie ou Melpomène,
Cependant qu'à mes yeux les couleurs du printems
A peine encor vingt fois ont embelli nos champs,
Excusez de mes vers la généreuse audace;
Pardonnez si, nourri dans l'école d'Horace,
J'ose vous ramener aux principes sacrés
Des Jodelles nouveaux sottement abjurés!
Et toi, de l'Hélicon législateur sévère!
Lorsque je vois tes pas écrits dans ma carrière,

1. Chénier n'avait pas vingt ans lorsqu'il entreprit ce poëme.

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