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jestueuses courent avec les vaisseaux. Voyez l'Espagne, au contraire, où il n'y a ni rivieres, ni fleuves navigables; ch bien ! elle a tonjours conservé une certaine rudesse dans ses mœurs, et la superstition brise le ressort de cette nation, quoique pleine d'esprit et de courage.

Si l'Italic et la Grece avoient eu communication avec l'Elbe ou le Rhin, qui doute que les Germains n'eussent été les premiers peuples civilisés ? Mais, comme ces fleuves n'ont de communication qu'avec l'océan septentrional ou des mers inconnues et impraticables, les Germains n'ont pu figurer que très-tard parmi les nations policées. L'histoire des nations n'est donc, à proprement parler, que celle de leur navigation; et c'est par le progrès de leur marine qu'on peut juger de la hauteur de leurs idées.

Les hommes ne se rapprochent que par leurs besoins mutuels ; c'est le commerce qui fait tomber la premiere couche de barbarie, et qui rend les peuples d'abord traitables et bientôt policés. Un peuple placé sous une latitude où il manque de ce que possede un autre devient affable et se prête aisément aux mœurs et aux coutumes

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gens,

du peuple dont il a besoin : ce sont les besoins réciproques qui ont fait naître les loix de l'hospitalité, le lien le plus doux et le plus nécessaire à la société ; delà bientôt le droit des d'où naît avec le temps la sûreté des chemins publics, des ports, des mers, des rivieres navigables, et par conséquent l'union de tous les hommes. Image touchante et non moins sublime, tous les peuples se donneront un jour la main pour se verser respectivement leurs richesses; tous les avantages de la civilisation perfectionnée seront des effets de la navigation.

Les Hébreux furent le peuple du monde le plus pauvre et le plus misérable, quand ils ne connurent pas la navigation; mais dès qu'ils eurent connu et fréquenté le chemin d'Ophir, ils devinrent par leur commerce une nation très-riche, et Salomon possédoit lui seul plus de biens que tous les rois de l'Europe ensemble n'en possedent aujourd'hui : comme les richesses qu'amene la navigation n'ont point de bornes, on peut ajouter foi à ce que l'antiquité nous a transmis à ce sujet.

SECTION V.

PLUS

LUS on lit Rousseau, et moins on conçoit Cette alliance d'idées dissemblables dans la même tête. Et par une autre singularité, non moins remarquable, c'est que dans les genres d'écrire où il n'est pas sublime, il reste au-dessous du dernier degré de la médiocrité. Cet écrivain si chaud, si poétique, quand il développe ses pensées et ses sentimens en prose, n'est plus qu'un mauvais écolier dès qu'il veut les enchaîner dans des rimes.

Si, après avoir jetté les yeux sur l'écrivain, nous les fixons sur l'homme, son caractere original et bizarre vous offre un autre proble. Celui qui, se sentant né pour la gloire, avoit eu le courage ou la sagesse d'arrêter l'explosion de son génie jusqu'à sa quarantieme année, dans un siecle où des esprits encore adolescens se hâtent de produire des

fruits sans substance et sans couleur,ne devoit point ressembler aux autres hommes. C'est lorsque le monde littéraire ne soupçonnoit pas même son existence, qu'il montre toutà-coup l'ongle du lion dans son premier discours couronné. A cette époque brillante, il monte sur le trône de l'éloquence, et en moins de dix ans il n'a plus d'égal dans l'art d'écrire.

Cette rapide învasion du génie étoit faite pour atterrer jusqu'à ses admirateurs, parce que, dans l'admiration des hommes il naft toujours, même à notre insu, un germe d'envie que nous ne nous avouons jamais. Delà cette foule d'écrits éphémeres sur ses ouvrages, ces portraits aventurés de sa personne ce bruit tumultueux qui précédoit sa réputation, et qui ressembloit aux injurieuses acclamations de la populace romaine lorsqu'elle accompagnoit le triomphateur montant au capitole.

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Arrêtons-nous pour remarquer, comme un trait qui n'appartient qu'à lui, que c'est au milieu de l'éclat éblouissant qui l'entouroit qu'il regrettoit avec tant de bonne for les jours paisibles de sa douce obscurité parce que la gloire, à laquelle on sacrifia

tout, n'étoit pas l'espece de bonheur qu'il falloit à son ame.

Observons que chaque ouvrage de Rousseau faisoit naître une foule d'écrits bizarrement diversifiés, comme on voit, à chaque renouvellement de la nature, des essaims d'insectes éclore, et s'attacher aux fruits qui parent nos jardins. Parmi ces nombreux écrits qui n'ont eu qu'une existence éphémere, souvent l'on remarque, avec une surprise qui n'est pas sans plaisir, que l'adversaire de Rousseau finit, même sans s'en appercevoir, par être de son avis ; et dès-lors cet avis est marqué du sceau de la vérité. C'est dans ces divers écrits, où étoient déposées les idées reçues depuis si long-temps, qu'on remarque l'étonnement où étoit le public de les voir renverser d'une maniere si brusque et si victorieuse; c'est là que Rousseau s'élance comme un phénomene dont la subite apparition remue tous les esprits, et fixe l'époque d'une révolution dans l'empire des lettres et de la philosophie. Le destin de l'auteur, enfin, étoit d'enflammer ceux-mêmes qui ne pensoient pas, ou qui feignoient de ne pas penser comme lui. Il tourmentoit la pensée d'autrui, en expo

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