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nées. Il falloit donc que Dieu lui parlât de nouveau, et que l'homme auquel il parleroit transmit aux autres hommes sa parole nécessaire à tous. Voilà la prophétie, et l'on comprend qu'elle forme une partie essentielle de la révélation, de l'ordre moral et religieux, en un mot, de tout ordre relatif aux êtres intelligens.

Que si l'on demandoit pourquoi Dieu n'a point révélé immédiatement à tous les hommes l'avenir qui les intéresse, ce ne seroit pas demander la raison de la prophétie, ce seroit demander pourquoi tous les hommes ne sont pas prophètes.

A cette question il y a une réponse de fait qui suffit Dieu ne l'a pas voulu. Qu'importe ses motifs? Quels qu'ils soient, ils sont dignes de lui, et il n'y auroit point de folie plus grande que d'argumenter de notre ignorance contre sa sagesse.

Mais, de plus, ne voit-on pas que la révélation de l'avenir faite immédiatement à chaque homme, renverseroit l'ordre que Dieu a établi, et qui est fondé sur la transmission des connoissances nécessaires par le témoignage? Ne voit-on pas que ce qu'on demande par rapport à la prophétie, on pourroit le demander, avec autant de raison, pour tout le reste, et que cette question particulière implique une question gé

nérale que voici Pourquoi Dieu ne révèle-t-il pas immédiatement à chaque homme, ce qu'il est nécessaire que chaque homme sache? c'està-dire, pourquoi chacun de nous n'est-il pas indépendant? pourquoi la société existe-t-elle? pourquoi le langage, la tradition, l'autorité, l'obéissance? pourquoi la foi ? pourquoi la religion? pourquoi l'homme? A cela nous n'avons qu'un mot à répondre: Demandez-le à celui qui l'a fait.

Loin donc que la prophétie ou la prédiction de choses futures que l'homme n'a pu connoître que par une révélation divine, soit incroyable en elle-même, il est impossible, l'homme existant, de concevoir qu'elle n'existe pas. Et comme les motifs pour lesquels Dieu se détermine à révéler l'avenir, peuvent et doivent échapper souvent à notre intelligence, toutes les questions qu'on peut raisonnablement former sur les prophéties, se réduisent à deux questions de fait, l'existence même de la prophétie et son accomplissement; en d'autres termes : Est-il certain que telle prophétie ait été faite? est-il certain qu'elle soit accomplie ? deux points dont on peut s'assurer comme de tous les autres faits, par le témoignage.

Cette simple observation suffit pour faire sentir l'immense absurdité de ce que dit

Rousseau dans l'Emile : « Aucune prophétie > ne sauroit faire autorité pour moi, parce que » pour qu'elles la fissent, il faudroit trois choses » dont le concours est impossible, savoir, que » j'eusse été témoin de la prophétie, que je fusse » témoin de l'événement, et qu'il me fût dé» montré que cet événement n'a pu cadrer >> fortuitement avec la prophétie; car, fût-elle plus précise, plus claire, plus lumineuse qu'un axiome de géométrie, puisque la clarté d'une prédiction faite au hasard n'en rend pas l'accomplissement impossible, cet accomplisse» ment, quand il a lieu, ne prouve rien, à la rigueur, pour celui qui l'a prédit (1). »

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Reprenons les questions posées plus haut : Est-il certain que telle prophétie ait été faite? Est-il certain qu'elle soit accomplie ? Pour en être certain, répond Rousseau, il faudroit que j'eusse été témoin de la prophétie et que je le fusse de l'événement. On ne peut donc, suivant Rousseau, être certain qu'une chose ait été dite, à moins qu'on ne l'ait entendue soi-même, qu'un événement soit arrivé, à moins de l'avoir vu de ses propres yeux? Il accorde done plus de confiance au témoignage unique de ses sens, qu'au témoignage uniforme des sens de plusieurs hommes,

(1) Emile, liv. IV, tom. III, p. 23 et 24. Ed. de 1793.

et même de tous les hommes? car rien ne modifie sa proposition. Il nie donc la possibilité de s'assurer d'aucun fait par le témoignage. Il nie spécialement qu'on puisse être certain de l'authenticité d'un livre quelconque, puisque la nature des choses qu'il renferme est indifférente dans le cas présent. S'il est, en effet, permis de douter du témoignage général des hommes quand ils affirment qu'un autre homme a dit ou écrit que le soleil cesseroit de se lever l'an prochain, il est également permis de douter de leur témoignage quand ils affirment qu'un homme a dit ou écrit que le soleil s'est levé l'an dernier. Que si vous supposez que les sens d'un grand nombre d'hommes ont pu les tromper en cette circonstance, qu'il est possible qu'ils aient cru voir ou entendre, ce qu'ils n'ont ni entendu, ni vu; sur quel fondement prétendrez-vous que vous ne pouvez être vous-même trompé par vos sens, que leur rapport est toujours fidèle, que seul d'entre les mortels vous voyez toujours réellement ce que vous croyez voir, vous entendez ce que vous croyez entendre, et que la certitude, refusée au reste du genre humain, est un privilége personnel qui n'appartient qu'à vous?

Ce n'est pas tout : il existe une multitude de faits dont jamais aucun homme ne pourroit être certain, d'après les maximes de Rousseau,

et ce sont précisément les faits qui, au jugement de tous les hommes, sont le moins susceptibles de doute, les faits qui intéressent un pays, un peuple entier, qui se manifestent à la fois en plusieurs lieux, et souvent ne s'accomplissent que dans un temps assez long; par exemple, une vaste inondation, une peste universelle, un soulèvement général, une conquête, la chute d'un empire. Afin d'acquérir le droit de douter des prophéties, parmi lesquelles il en est qui annoncent de semblables événemens, Rousseau renverse donc la base de toutes les histoires, aussi bien que de toutes les sciences, qui se composent presque entièrement de faits généraux connus seulement par le témoignage, d'observations et de caculs si nombreux, qu'un homme ne pourroit sans folie entreprendre de les vérifier. I renverse la société même, il détruit le fondement de toutes les relations qu'elle établit entre les hommes, puisqu'il n'est possible à aucun d'eux de s'assurer par ses propres sens de l'existence de toutes les lois, de toutes les institutions, de toutes les coutumes, et de tous les traités en un mot des faits innombrables sur lesquels repose l'ordre public et le commerce du genre humain.

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Outre la condition d'être témoin de la prophétie et de l'événement qu'elle annonce, Rous

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