Obrázky na stránke
PDF
ePub

rain (1), vu l'opposition de celui-ci aux progrès ultérieurs de l'hérésie relativement au culte, et spécialement à l'abolition de la messe (2), si la mort n'était venue enlever ce prince (1525). Jean, son successeur, embrassa plus chaudement la cause du luthéranisme, et n'hésita pas à introduire dans ses États les innovations désirées de Luther et de ses adhérents. Dans le même temps, celui-ci, débordé de toutes parts par les passions auxquelles il avait donné carrière, se vit obligé de recourir à Jean pour sévir contre les novateurs qui bouleversaient la doctrine, la morale et la discipline de son Église, et à remplacer ainsi l'excommunication papale par l'action coercitive du pouvoir temporel (5). Le prince-électeur fit faire une visite de l'Église par une commission composée d'ecclésiastiques et de séculiers (4) : c'était l'abdication de l'autorité épiscopale et la création d'un ordre de choses progressif d'où devait sortir une reconstitution de l'Église luthérienne sur un nouveau fondement. Luther prétendait, il est vrai, se plaçant en cela au point de vue de l'ancienne Église, conserver deux puissances distinctes l'une de l'autre, l'une spirituelle et l'autre temporelle, et se réserver la première pour lui et ses théologiens (5); son intention était incontestablement de n'accepter l'intervention du pouvoir séculier qu'à titre d'auxi

(1) Luther à cette époque écrivait au chapitre de Thum : « Qu'avonsnous à nous soucier du prince séculier? » On ne devait, selon lui, n'avoir rien tant à cœur que de se garer de l'idée que l'on dût obéissance aux pricnes. Les princes, c'étaient de franches brutes, dénuées de toute raison, jouet de l'erreur et du mensonge, et que le Turc laissait bien loin derrière lui pour la piété et la sagesse; c'étaient généralement les plus grands fous, les plus grands drôles de la terre. A dater de 1525, on avait changé entièrement de ton. · Menzel, vol. I, p. 160. (2) Menzel, loc. cit., vol. I,

(5) Id., ibid., p. 236.

164.

(4) Instruction und Befelch darauf die Visitatores abgefertigt sein. 1527. Richter, die Grundlage der lutherischen Kirchenverfassung (in Reyscher und Wilda, Zeitschrift für deutsches Recht, vol. IV, p. 45 sqq.) und in dessen evangel. Kirchenord. d. sechsz. Jahrh, vol. I, p. 77 sq.

(5) On voit, par une lettre de Luther à l'électeur, comment il entendait la chose (Menzel, vol. I, p. 338): « Çà donc, mon cher duc, je vous recommande mon plus précieux trésor, mon paradis. Servez-lui de père. Je le mets sous votre protection et votre conduite; je veux que ce soit vous qui ayez l'honneur d'être son appui et son protecteur. »

liaire et de protecteur de l'Église (1). Mais son illusion, à cet égard, ne tarda pas à se dissiper. Bientôt l'expérience lui démontra qu'une telle alliance entre la puissance spirituelle et celle de l'État était pratiquement impossible dans le nouveau système religieux (2). Alors que l'Église catholique elle-même, avec sa puissante hiérarchie, n'avait pu repousser les empiétements du pouvoir temporel, invinciblement porté, de tout temps, à franchir les limites de sa sphère, comment cela aurait-il été possible, dans un état de choses dénué de toute espèce d'organisation, où, dans l'absence d'une autorité spirituelle légitime, l'unique principe d'ordre était précisément dans ce pouvoir temporel, institué de Dieu, il est vrai, mais non dans ce but? En prenant les mesures provisoires que les besoins du moment réclamaient, la puissance civile posait la base sur laquelle devait s'élever d'elle-même la nouvelle économie de l'Église luthérienne (3). Investis par la force des circonstances du même rôle que leur attribuèrent le gallicanisme et le fébronianisme (4), les princes s'arrogèrent d'abord les droits des évêques à l'égard de la juridiction, bientôt après aussi à l'égard de l'enseignement (5), et enfin, dans l'intérêt de l'unité qui s'imposait comme une nécessité, ils s'emparèrent, chacun dans son territoire, des prérogatives mêmes de la papauté. Luther lui-même, qui avait cherché dans la protection du pouvoir temporel un refuge contre l'esprit de secte et les menées des démagogues au milieu du chaos des partis et des systèmes, Luther ne pouvait déjà plus s'illusionner un instant sur le grand et nouveau danger qui menaçait son édifice religieux (6). Mais il avait déjà accordé trop de puissance aux autorités séculières pour que celles-ci fussent disposées à prêter l'oreille aux plaintes véhémentes du réformateur et à céder bénévolement, sur ses représentations, le terrain conquis.

[merged small][ocr errors]

(3) Eichhorn, Grundsätze des Kirchenrechts, vol. I,

(4) Supra, SS 135, 136.

(5) Eichhorn, loc. cit., p. 249.

(6) Menzel, loc. cit., vol. II, p. 417.

[blocks in formation]

Personne mieux que Georges Bruk, chancelier de la Saxe électorale, ne sut, dès l'origine, apprécier l'importance de cette absorption du gouvernement spirituel pour les intérêts politiques de l'État dont il dirigeait l'administration (1). Il s'était constitué l'âme des tendances usurpatrices des souverains de cette époque, et si parfois il se manifestait, du côté des théologiens protestants, une certaine velléité de se rapprocher de l'ancienne constitution de l'Église, il se produisait aussitôt, du côté de la puissance séculière, une résistance ardente et opiniâtre contre laquelle leurs vains efforts allaient se briser (2).

Depuis longtemps ennemi de la hiérarchie de l'Église, l'État considérait les droits ravis si facilement au corps épiscopal et à son chef, à la faveur d'une guerre proclamée juste et méritoire, comme une conquête précieuse et légitime dont, à aucun prix, il ne voulait plus se dessaisir. Au fait, cette guerre n'avait point eu pour but l'extension de la liberté allemande, mais uniquement l'affermissement de la puissance territoriale (5). Rien n'avait été plus loin de la pensée des souverains qui y avaient pris part, que de servir d'auxiliaires à un pouvoir spirituel subsistant à côté d'eux; au contraire, les princes allemands n'avaient rien eu tant à cœur que de s'ériger eux-mêmes en chefs spirituels. C'était là une position parfaitement appréciée, même hors de l'Allemagne, comme Henri VIII le prouva en prenant ces princes pour modèles dans l'établissement de sa suprématie. Et c'est ainsi que, tant en Angleterre qu'en Allemagne, le résultat de la rupture avec Rome fut qu'à la place d'une papauté cléricale qui la gouvernait de loin avec le glaive spirituel, l'Église réformée s'était donné une papauté laïque, siégeant immédiatement au-dessus d'elle et la tyrannisant avec le glaive temporel! Aussi, à quoi pouvaient aboutir tous les efforts qui furent tentés par les théologiens protestants pour obtenir le gouvernement spirituel qu'ils revendiquaient, si ce n'est à accélérer davantage le développement de la puissance

(1) Menzel, loc. cit., vol. 1, p. 337 sqq.; vol. II,
(2) Id., ibid., vol. II, p. 380.
(5) Riffel, loc. cit., vol. II, p.

14..

p. 19.

spirituelle des souverains? C'est ce qui se réalisa spécialement par l'établissement des consistoires (1), dont la première création ent lieu dans la Hesse électorale en 1542 (2). Cette institution avait directement pour objet de resserrer de plus en plus le cercle d'action des théologiens (5), tombés dans un tel état de servitude (4), qu'ils osaient à peine parler encore des prévarications du peuple, bien loin d'avoir le courage de reprocher aux princes leurs iniquités (5). Après cela, il n'y a pas lieu de s'étonner en voyant déjà, en l'année 1557, Capito, l'ami de Luther, établir en principe (6) que l'Église devait être gouvernée par les souverains, réunissant en leur personne la puissance spirituelle et la puissance temporelle, et d'autres théologiens en appeler à l'autorité de la sainte Écriture pour justifier la juridiction spirituelle des pouvoirs civils (7). Leur zèle, à cet égard, allait si loin, que, la traduction luthérienne ne les servant pas à leur gré, ils faisaient, pour cette Tois, à la Vulgate, l'insigne honneur de la citer, et produisaient à l'appui de leur thèse ce passage des Psaumes (8): Attollite portas, principes, vestras, et elevamini, portæ æternales, et introibit rex gloriæ.

Capito, qui avait fait l'éducation politique de son souverain conformément à tous ces principes, et qui avait justifié le baptème forcé en s'appuyant sur cette étrange opinion, que les enfants n'appartiennent point à leurs parents, mais à l'État, lui avait aussi inculqué cette idée, que tout prince qui tolérait la messe

(1) Eichhorn, loc. cit., p. 254.

(2) Richter, loc. cit., p. 88.

(5) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 240; vol. IV, p. 299.

(4) Döllinger, vol. II, p. 280, 410, 495, 511, 555.

(5) Id., ibid., vol. II, p. 288.

(6) Responsio de missa, matrimonio et jure magistratus in religionem. Döllinger, loc. cit., vol. II, p. 12.

(7) Menzel, loc. cit., vol. III, p. 536.

(8) Psalm. XXIII, 7 et 9: Dans Hieron. Divin. bibliotheca (Opp. t. IX, col. 1145), la leçon originale porte : « Levate, portæ, capita vestra, et elevamini, januæ sempiternæ, et ingrediatur rex gloriæ. » Luther traduit : Ouvrez les portes du monde, etc. Le passage d'Isaïe, XLIX, 23, qui donne aux rois le titre de Nutritii, se serait encore mieux prêté à l'application; il est vrai qu'il ajoute : « Vultu in terram demisso adorabunt te, et pulverem pedum tuorum lingent. >>

dans ses États ne valait pas mieux que le Grand Turc. Pour des hommes aux yeux desquels l'Église romaine était l'Église de l'Antechrist, cette idée avait le mérite d'être rigoureusement logique, et conséquemment inattaquable sous ce rapport; l'anéantissement de l'Église était la déduction nécessaire du protestantisme. Il fallait donc que, partout où cette hérésie parvenait à prendre pied, toute trace de catholicisme fut effacée, détruite, anéantie, et que la persécution la plus implacable frappât les individus encore attachés à l'ancienne croyance. C'est, en effet, ce qui arriva dans un nombre considérable d'États et de villes d'Allemagne, sous la domination du glaive des rois ou des magistrats. Partout où le pouvoir venait à se séparer de l'Église catholique, on le voyait aussitôt, et avec un succès encore plus rapide que dans la Saxe électorale, dont on prenait les institutions religieuses pour modèle, s'appliquer de toutes ses forces à opérer la réforme dans le sens de l'affermissement de la puissance spirituelle dans ses propres mains.

Nulle part le lutheranisme ne s'établit plus rapidement qu'en Prusse, grâce à l'ardeur qu'y mit Albert de Brandebourg, grand maître de l'ordre auquel appartenait ce pays, et qui vit son zèle récompensé par l'élévation de ce même pays en duché, dont il devint le souverain (1526). Mais un des princes qui contribuèrent le plus au développement de la puissance civile en matière spirituelle, ce fut Philippe de Hesse (1), qui, après avoir négocié quelque temps avec les synodes et la diète, finit bientôt par se proclamer chef spirituel dans ses États, avec des pouvoirs illimités. Son exemple trouva de nombreux imitateurs : Ernest, duc de Brunswick-Lunebourg, et Georges, margrave de Brandebourg, se donnèrent aussi l'investiture pontificale. Georges, duc de Saxe, était resté fidèle à l'Église; mais, à sa mort (1539), Henri (2), son successeur, voua au catholicisme une haine encore plus vio

(1) Histor. polit. Blætter, vol. XIV, p. 337 sqq.; p. 457 sqq.; p. 734 sqq. - Vol. XV, p. 769 sqq. - Vol. XVI, p. 81 sqq. — Vol. XVIII, p. 224 sqq., p. 449 sqq.

(2) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 141. — Riffel, loc. cit., vol. II, p. 675. -Ranke, Geschichte Deutschlands im Zeitalter d. Reform, vol. IV, p. 135 sqq.

« PredošláPokračovať »