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bas comme celles des anciens boulangers, enfin dallée en grandes pierres blanches, la plupart cassées, les murs jaunes et nus comme ceux d'un corps-de-garde. Après venaient une arrière-boutique et une cuisine, éclairées sur la cour; enfin, un second magasin en retour qui jadis devait avoir été une écurie. On montait, par un escalier intérieur pratiqué dans l'arrière-boutique, à deux chambres éclairées sur la rue, où Popinot comptait mettre sa caisse, son cabinet et ses livres. Au-dessus des magasins étaient trois chambres étroites adossées au mur mitoyen, ayant vue sur la cour, et où il se proposait de demeurer. Trois chambres délabrées, qui n'avaient d'autre aspect que celui de la cour irrégulière, sombre, entourée de murailles, où l'humidité, par le temps le plus sec, leur donnait l'air d'être fraîchement badigeonnées; une cour, entre les pavés de laquelle il se trouvait une crasse noire et puante laissée par le séjour des mélasses et des sucres bruts. Une seule de ces chambres avait une cheminée, toutes étaient sans papier et carrelées en carreaux. Depuis le matin, Gaudissart et Popinot, aidés par un ouvrier colleur que le commis-voyageur avait déniché, tendaient eux-mêmes un papier à quinze sous dans cette horrible chambre, peinte à la colle par l'ouvrier. Un lit de collégien à couchette de bois rouge, une mauvaise table de nuit, une commode antique, une table, deux fauteuils et six chaises, donnés par le juge Popinot à son neveu, composaient l'ameublement. Gaudissart avait mis sur la cheminée un trumeau garni d'une méchante glace achetée d'occasion. Vers huit heures du soir, assis devant la cheminée où brillait une falourde allumée, les deux amis allaient entamer le reste de leur déjeuner.

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Arrière le gigot froid! ceci ne convient pas à une pendaison de crémaillère, cria Gaudissart.

Mais, dit Popinot en faisant sonner dans son gousset les vingt francs qu'il gardait pour payer le prospectus, je...

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Je... dit Gaudissart en mettant une pièce de quarante francs sur son œil.

Un coup de marteau retentit alors dans la cour naturellement solitaire et sonore du dimanche, jour où les industriels se dissipent et abandonnent leurs laboratoires.

— Voilà le fidèle de la rue de la Poterie. Moi, reprit l'illustre Gaudissart, j'ai! et non pas je!

Er effet, un garçon suivi de deux marmitons apporta dans trois

mannes un dîner orné de six bouteilles de vin choisies avec discernement.

Mais comment ferons-nous pour manger tant de choses? dit Popinot.

Et l'homme de lettres, s'écria Gaudissart. Finot connaît les pompes et les vanités, il va venir, enfant naïf! muni d'un prospectus ébouriffant. Le mot est joli, hein? Les prospectus ont toujours soif: il faut arroser les graines si l'on veut des fleurs. Allez, esclaves, dit-il aux marmitons en se drapant, voilà de l'or.

Il leur donna dix sous par un geste digne de Napoléon, son idole. - Merci, monsieur Gaudissart, répondirent les marmitons plus heureux de la plaisanterie que de l'argent.

Toi, mon fils, dit-il au garçon qui restait pour servir, il est une portière, elle gît dans les profondeurs d'un antre où parfois elle cuisine, comme jadis Nausicaa faisait la lessivė, par pur délassement. Rends-toi près d'elle, implore sa candeur, intéresse-la, jeune homme, à la chaleur de ces plats. Dis-lui qu'elle sera bénie, et surtout respectée, très-respectée par Félix Gaudissart, fils de JeanFrançois Gaudissart, petit-fils des Gaudissart, vils prolétaires fort anciens, ses aïeux. Marche et fais que tout soit bon, sinon je te flanque un Ut majeur dans ton Saint-Luc!

Un autre coup de marteau retentit.

- Voilà le spirituel Andoche, dit Gaudissart.

Un gros garçon assez joufflu, de taille moyenne et qui, des pieds à la tête, ressemblait au fils d'un chapelier, à traits ronds où la finesse était ensevelie sous un air gourmé, se montra soudain. Sa figure, attristée comme celle d'un homme ennuyé de misère, prit une expression d'hilarité quand il vit la table mise et les bouteilles. Au cri de Gaudissart, son pâle œil bleu pétilla, sa grosse tête creusée par sa figure kalmouque alla de droite à gauche, et il salua Popinot d'une manière étrange, sans servilité ni respect, comme un homme qui ne se sent pas à sa place et ne fait aucune concession. Il commençait alors à reconnaître en lui-même qu'il ne possédait aucun talent littéraire ; il pensait à rester dans la littérature en exploiteur, à y monter sur l'épaule des gens spirituels, à y faire des affaires au lieu d'y faire des œuvres mal payées. En ce moment, il avait épuisé l'humilité des démarches et l'humiliation des tentatives; il allait, comme les gens de haute portée financière, se retourner et devenir impertinent par parti pris. Mais il lui fallait une pre

mière mise de fonds, Gaudissart la lui avait montrée à toucher dans la mise en scène de l'huile Popinot.

Vous traiterez pour son compte avec les journaux, mais ne le rouez pas, autrement nous aurions un duel à mort; donnez-lui-en pour son argent!

Popinot regarda l'auteur d'un air inquiet; les gens vraiment commerciaux considèrent un auteur avec un sentiment où il entre de la terreur, de la compassion et de la curiosité. Quoique Popinot eût été bien élevé, les habitudes de ses parents, leurs idées, les soins bêtifiants d'une boutique et d'une caisse avaient modifié son intelligence en la pliant aux us et coutumes de sa profession, phé-nomène que l'on peut observer en remarquant les métamorphoses subies à dix ans de distance par cent camarades sortis à peu près semblables du collége ou de la pension. Andoche accepta ce saisissement comme une profonde admiration.

Eh, bien! avant le dîner, coulons à fond le prospectus, nous pourrons boire sans arrière-pensée, dit Gaudissart. Après le diner, on lit mal, la langue aussi digère.

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Monsieur, dit Popinot, un prospectus est souvent toute une

fortune.

-

Et souvent, dit Andoche, la fortune n'est qu'un prospectus. Ah! très-joli, dit Gaudissart. Ce farceur d'Andoche a de l'esprit comme les quarante.

Comme cent, dit Popinot stupéfait de cette idée.

L'impatient Gaudissart prit le manuscrit et lut à haute voix et avec emphase: HUILE CEPHALIQUE !

-J'aimerais mieux Huile Césarienne, dit Popinot.

:

Mon ami, dit Gaudissart, tu ne connais pas les gens de province il y a une opération chirurgicale qui porte ce nom-là, et ils sont si bêtes qu'ils croiraient ton huile propre à faciliter les accouchements; et de là pour les ramener aux cheveux, il y aurait trop de tirage.

Sans vouloir défendre mon mot, dit l'auteur, je vous ferai observer que Huile Céphalique veut dire huile pour la tête, et résume vos idées.

Voyons? dit Popinot impatient.

Voici le prospectus tel que le commerce le reçoit par milliers encore aujourd'hui. (Autre pièce justificative.)

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Nul cosmétique ne peut faire croître les cheveux, de même que nulle préparation chimique ne les teint sans danger pour le siége de l'intelligence. La science a déclaré récemment que les cheveux étaient une substance morte, et que nul agent ne peut les empêcher de tomber ni de blanchir. Pour prévenir la Xérasie et la Calvitie, il suffit de préserver le bulbe d'où ils sortent de toute influence extérieure atmosphérique, et de maintenir à la tête la chaleur qui lui est propre. L'HUILE CEPHALIQUE, basée sur ces principes établis par l'Académie des sciences, produit cet important résultat, auquel se tenaient les anciens, les Romains, les Grecs et les nations du Nord auxquelles la chevelure était précieuse. Des recherches savantes ont démontré que les nobles, qui se distinguaient autrefois à la longueur de leurs cheveux, n'employaient pas d'autre moyen; seulement leur procédé, habilement retrouvé par A. Popinot, inventeur de L'HUILE CEPHALIQUE, avait été perdu.

Conserver au lieu de chercher à provoquer une stimu→

tation impossible ou nuisible sur le derme qui contient les bulbes, telle est donc la destination de L'HUILE CEPHALIQUE. En effet, cette huile, qui s'oppose à l'exfoliation des pellicules, qui exhale une odeur suave, et qui, par les substances dont elle est composée, dans lesquelles entre comme principal élément l'essence de noisette, empêche toute action de l'air extérieur sur les têtes, prévient ainsi les rhumes, le coryza, et toutes les affections douloureuses de l'encéphale en lui laissant sa température intérieure. De cette manière, les bulbes qui contiennent les liqueurs génératrices des cheveux ne sont jamais saisies ni par le froid, ni par le chaud. La chevelure, ce produit magnifique, à laquelle hommes et femmes attachent tant de prix, conserve alors, jusque dans l'âge avancé de la personne qui se sert de L'HUILE CEPHALIQUE, ce brillant, cette finesse, ce lustre qui rendent si charmantes les têtes des enfants. LA MANIÈRE DE S'EN SERVIR est jointe à chaque flacon et lui sert d'enveloppe.

MANIÈRE DE SE SERVIR DE L'HUILE CÉPHALIQUÉ.

Il est tout à fait inutile d'oindre les cheveux; ce n'est pas seulement un préjugé ridicule, mais encore une habitude gênante, en ce sens que le cosmétique laisse partout sa trace. Il suffit tous les matins de tremper une petite éponge fine dans l'huile, de se faire écarter les cheveux avec le peigne, d'imbiber les cheveux à leur racine de raie en raie, de manière à ce que la peau reçoive une légère couche, après avoir préalablement nettoyé la tête avec la brosse et le peigne.

Cette huile se vend par flacon, portant la signature de l'inventeur pour empêcher toute contrefaçon, et du prix de TROIS FRANCS, chez A. POPINOT, rue des Cing-Diaments, quartier des Lombards, à Paris.

ON EST PRIÉ d'écrire fraNCO.

Nota. La maison A. Popinot tient également les huiles de la droguerie, comme néroli, huile d'aspic, huile d'amande douce, huile de cacao, huile de café, de ricin et autres.

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