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nique, , que vous donnez de votre indifférence et de votre inertie. Mais si, comme vous l'assurez, tout est confondu dans une éternelle incertitude, d'où vient donc que vous dites à telle ou telle personne, mon père ou ma mère; à telle autre, mon oncle ou ma tante? D'où vient que vous les honorez avec tant de piété, que vous les aimez avec tant d'affection, que vous les écoutez avec tant de soumission pendant leur vie? D'où vient qu'après leur mort vous vous appropriez leurs biens et leurs titres? Si tout est également incertain, comme vous le dites, il me semces biens et ces titres ne vous appartiennent pas plus qu'à tout autre, et que le plus fort peut s'en emparer légitimement.

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Pour me répondre, irez-vous m'exhiber votre acte de naissance, signé de deux témoins et homologué par la notoriété publique, par lequel il conste que vous êtes enfant légitime de telle ou telle personne, que par conséquent vous avez droit à leur succession? Je vous avoue que, sans attendre la sentence des tribunaux, je me tiendrai pour bien et dûment débouté de ma prétention à être votre cohéritier; mais vous aussi vous perdrez par le fait même le droit de vous dire sceptique, le droit de prétendre que tout est également incertain, puisque vous trouvez assez de certitude, dans un acte signé de deux témoins et non contesté par l'autorité du public, pour fonder sur cela vos affections les plus chères, vos devoirs les plus saints, vos droits les plus légitimes. Et non seulement je ne vous blâme point de régler sur ce fondement toute votre vie, mais je reconnois que vous ne pouvez pas faire autrement, que cela est absolument nécessaire, que, sans cette foi, sans cette croyance au

témoignage, il n'y a plus de parenté, d'amitié, de droit, de justice, de sociéte possible parmi les hommes, et que la destruction du genre humain est inévitable.

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« Oui, ôtez la foi, tout meurt; elle est l'ame de la << société et le fond de la vie humaine. Si le laboureur « cultive et ensemence la terre, si le navigateur traverse « l'océan, c'est qu'ils croient; et ce n'est qu'en vertu « d'une croyance semblable que nous participons aux « connoissances transmises, que nous usons de la parole, « des alimens mêmes. On dit à l'enfant, Mangez; et il « mange. Qu'arriveroit-il, s'il exigeoit qu'auparavant on << lui prouvât qu'il mourra, s'il ne mauge point? On dit à l'homme Vous voulez aller en un tel lieu, suivez << cette route. S'il refusoit de croire au témoignage, l'é<< ternité entière s'écouleroit avant qu'il eût seulement « acquis la certitude rationnelle de l'existence du lieu où « il desire se rendre. La pratique des arts et des métiers, « les méthodes d'enseignement, reposent sur la même «base. La science est d'abord pour nous une espèce de dogme obscur que nous ne parvenons ensuite à concevoir plus ou moins, que parce que nous l'avons pre«<mièrement admis sans le comprendre, que parce que nous avons eu la foi. Qu'elle vienne à défaillir un ins« tant, le monde social s'arrêtera soudain : plus de gou« vernement, plus de lois, plus de transactions, plus de «< commerce, plus de propriétés, plus de justice; car « tout cela ne subsiste que par l'autorité, qu'à l'abri de la « confiance que l'homme a dans la parole de l'homme; << confiance si naturelle, foi si puissante, que nul ne par« vint jamais à l'étouffer entièrement; et celui-là même

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qui refuse de croire en Dieu sur le témoignage du «< genre humain, n'hésitera point à envoyer son sembla<< ble à la mort sur le témoignage de deux hommes! Ainsi, « nous croyons, et l'ordre se maintient dans la société; <«< nous croyons, et nos facultés se développent, notre « raison s'éclaire et se fortifie, notre corps même se << conserve; nous croyons et nous vivons; et, forcés de «< croire pour vivre un jour, nous nous étonnerons qu'il << faille croire aussi pour vivre éternellement1 ! »

Voilà donc, non pas, comme dans la doctrine de Descartes et de Leibnitz, un principe dont la vérité dépend de l'existence de Dieu que ce même principe sert à prouver, mais un fait incontestable, un fait indépendant de tout raisonnement, à l'abri de toute chicane; la nécessité naturelle, invincible, où sont tous les hommes, le sceptique comme les autres, de croire sur le témoignage général mille et mille choses prouvées ou non. C'est sur cette nécessité naturelle, invincible, comme sur un roc immuable que M. de la Mennais, évitant le cercle vicieux où sont tombés les autres philosophes, élève, inébranlable à toutes les tempêtes, le majestueux édifice de la vérité. Il ue raisonne point contre le sceptique, il lui dit: Vous ne l'êtes pas; vous assurez de bouche que vous doutez de tout, et toutes vos actions, votre vie entière, donnent le démenti à vos paroles. Il dit à l'athée : Vous croirez en Dieu, ou vous renoncerez entièrement à la raison, quelle qu'elle soit; vous vous anéantirez comme être intelligent.Il lui dit : « En ne considérant que l'homme, << la plus grande autorité que nous puissions concevoir

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Essai, t. II, pag. 9o.

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« est l'autorité du genre humain ; par conséquent elle ren« ferme le plus haut degré de certitude où il nous soit « donné de parvenir. Si donc il existoit une vérité univer<< sellement crue, unanimement attestée par tous les hom<<mes, dans tous les siècles; vérité de fait, de sentiment, « d'évidence, de raisonnement, à laquelle ainsi toutes nos « facultés s'uniroient pour rendre hommage; cette vérité << souveraine, manifestement investie d'une puissance suprême sur notre entendement, viendroit se placer en «tête de toutes les autres vérités dans la raison humaine. << La nier, ce seroit détruire la raison même. Quiconque en << effet la nieroit, niant par là même le témoignage una« nime des sens, du sentiment et du raisonnement, ne « pourroit en aucun cas l'admettre, et seroit contraint de « douter de sa propre existence, qu'il ne connoît que par ces trois moyens. Encore est-ce trop peu dire; et si l'on << a bien saisi les principes exposés précédemment, il sera « aisé de comprendre que, la vérité dont il s'agit étant << beaucoup plus certaine que notre propre existence, puisqu'elle est attestée par des temoignages beaucoup plus nombreux, il y auroit incompararablement plus de << folie à en douter, qu'à douter que nous existons.

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«En définissant les caractères de cette vérité sublime, << universelle, absolue, j'ai nommé Dieu. Avec quel ravis«sement, quels transports, ne devons-nous pas voir cette magnifique et resplendissante idée se lever tout à coup sur l'horizon du monde intellectuel, enveloppé d'ombres épaisses, et répandre la lumière et la vie jusque dans ses profondeurs les plus reculées»?

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En effet, tant que Dieu n'est pas reconnu, la raison de rien, « l'univers n'est plus qu'une grande illu« sion, un songe immense, et comme une vague mani<< festation d'un doute infini ». Mais celui qui est, Dieu en un mot, étant reconnu et admis par une suite de la nécessité naturelle et invincible de croire, «tout change, « et l'univers, expliqué par sa volonté et sa toute-puis<< sance, s'attache, pour ainsi dire, à sa cause, et s'affer<< mit sur cette base inébranlable; on aperçoit clairement << la raison première de tous les effets et de toutes les « existences; et les intelligences créées, remontant à « leur source se rencontrent et se reconnoissent dans l'intelligence éternelle d'où elles sont toutes émanées1». On s'explique ainsi pourquoi l'homme est nécessairement forcé de croire ou d'obéir à l'autorité, qui n'est que la raison générale ; on conçoit que cette raison est nécessairement infaillible, et on trouve ainsi une règle certaine de vérité pour la raison individuelle.

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Car on voit qu'en créant le premier homme, Dieu a dû lui donner << tout ce qui lui étoit nécessaire pour se con<< server et se perpétuer comme être intelligent, aussi-bien que comme être physique; donc la pensée, donc la vérité, <«< donc la parole, nécessaire au moins pour communiquer << la pensée et transmettre la vérité, noble héritage de vie « substitué à toutes les générations humaines: et cette « première révélation, en nous expliquant notre existence, <«< incompréhensible sans elle, explique encore notre intel

• Essai, t. II, pag. 99.

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