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droit du glaive, vous le donnez à l'erreur? Que pour l'exercer, il suffira d'avoir l'autorité en main? et que la persécution changera d'étendards et de victimes au gré du plus fort? Ainsi Anastase a persécuté ceux que Justinien protège; et les enfans de ceux qu'on égorgeoit alors, égorgent à leur tour la postérité de leurs persécuteurs.

XXVIII. Dans les espaces immenses de l'erreur, la vérité n'est qu'un point. Qui l'a saisi ce point unique? Chacun prétend que c'est lui; mais sur quelle preuve? et l'évidence même le met-elle en droit d'exiger, d'exiger le fer à la main, qu'un autre en soit persuadé?

XXIX. La persuasion vient du Ciel, ou des

l'erreur. Il ne s'ensuit donc pas que la persécution changera d'étendards et de victimes au gré de l'opinion du plus fort. Il est bien vrai qu'Anastase a persécuté ceux que Justinien a protégés, et que les enfans de ceux qu'on égorgeoit alors ont égorgé à leur tour la postérité de leurs, persécuteurs; mais il faut remarquer que lorsque les hérétiques égor gent les orthodoxes, ils persécutent la vérité, au lieu que quand ce sont les orthodoxes qui égorgent les hérétiques, ils ne font que punir l'erreur: ainsi le raisonnement de Bélisaire n'est qu'un sophisme fondé sur une équivoque. Il a très-bien observé que les différens partis se massacroient alternativement; mais il n'a pas vu que ces massacres alternatifs méritent ou ne méritent pas le nom de persécutions, suivant que ce sont les hérétiques ou les orthodoxes qui massacrent.

XXVIII. Le Prince orthodoxe est toujours sûr d'avoir saisi le point unique de la vérité dans les espaces immenses de l'erreur. Il a raison de prétendre qu'il l'a saisi plustôt que tout autre, et que c'est lui qui est orthodoxe et non ceux qui pensent autrement que lui. Cette prétention n'a pas besoin d'autres preuves que celles qui lui ont paru bonnes. Elles suffisent pour le mettre en droit d'exiger, le fer à la main, que tous ses sujets en soient persuadés.

XXIX. La persuasion qui vient du Ciel n'a point

hommes. Si elle vient du Ciel, elle a par ellemême un ascendant victorieux; si elle vient des hommes, elle n'a que les droits de la raison sur la raison.

XXX. A quoi pense un mortel de donner pour loi sa croyance? Mille autres, d'aussi bonne foi, ont êté séduits et trompés.

XXXI. Quand il seroit infaillible, est-ce un devoir pour moi de le supposer tel? S'il croit, parce que Dieu l'éclaire, qu'il lui demande de m'éclairer; mais s'il croit sur la foi des hommes, quel garant pour lui et pour moi !

XXXII. Le seul point sur lequel tous les par tis s'accordent, c'est qu'aucun d'eux ne comprend rien à ce qu'ils ôsent décider; et vous voulez me faire un crime de douter de ce qu'ils décident!

XXXIII. Laissez descendre la foi du Ciel, elle fera des prosélytes; mais avec des Édits, on ne fera jamais que des rebelles ou des fri

pons.

XXXIV. La vérité luit de sa propre lumière et on n'éclaire pas les esprits avec la flamme des bûchers.

par elle-même un ascendant victorieux; elle a besoin d'être aidée par la force. La persuasion qui vient des hommes a d'autres droits que ceux de la raison sur la raison; car lorsque c'est le plus fort qui a raison, elle a encore le droit du plus fort.

XXX. Il est raisonnable qu'un mortel donne pour loi sa croyance; car les gens de bonne foi n'ont jamais êté séduits ni trompés.

XXXI. Quoique les Princes ne soient pas infaillibles, et que ce ne soit pas un devoir pour leurs sujets de les supposer tels, les Princes ne doivent pas se contenter de demander à Dieu d'éclairer ceux qui pensent autrement qu'eux : soit qu'ils croient, parce que Dieu les éclaire; soit qu'ils croient sur la foi des hommes, il suffit qu'ils soient persuadés et qu'ils aient l'autorité en main, pour qu'ils puissent forcer les autres de se conformer à leur façon de penser.

XXXII. Quoique les partis conviennent également qu'ils ne comprennent rien à ce qu'ils décident, ils n'en sont pas moins en droit de faire un crime de douter de ce qu'ils décident.

XXXIII. Laissez descendre la foi du Ciel, elle ne fera que des rebelles ou des fripons; mais avec des Édits, on fera des prosélytes.

XXXIV. La vérité ne luit point de sa propre lumière; et on peut éclairer les esprits avec la flamme des bûchers.

XXXV. Si là violence et la cruauté lui mettent (à la religion) la flamme et le fer à la main; si les Princes qui la professent, faisant de ce monde un enfer, tourmentent, au nom d'un Dieu de paix, ceux qu'ils devroient aimer et plaindre, on croira de deux choses l'une, ou que leur religion est barbare comme eux, ou qu'ils ne sont pas dignes d'elle.

XXXVI. Comment voulez-vous accoutumer les hommes à voir un homme s'ériger en Dieu, et commander les armes à la main, de croire ce qu'il croit, de penser comme il pense?

XXXVII. Tout est perdu en Afrique, me dit-il (Salomon, Général de Justinien), les Vandales sont révoltés... et cela pour quelques rêveurs qui ne s'entendent pas eux-mêmes, et qui jamais ne seront d'accord, si l'Empereur s'en mêle, s'il donne des Édits pour des subtilités qu'il n'entend pas lui-même.... Pour moi j'y renonce (à être mis à la tête des armées)... Ainsi me parla ce brave homme. Entre nous il avoit raison.

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