Obrázky na stránke
PDF
ePub

ment de la même année, la décrétale Cum dilectus (1). Voici le fait.

Il n'était pas rare, lors de la fondation d'un monastère, qu'il fût érigé en règle, contrairement au droit commun, que l'abbé ou prieur serait élu, non dans le monastère même, mais dans un autre (2). Cette règle pouvait reposer sur un privilége du pape, ou s'introduire simplement par la pratique. Innocent III reconnut la légitimité d'une coutume de ce genre dans le chapitre Cum dilectus, par lequel il décida, au sujet d'un différend élevé entre le couvent de Saint-André, près Boulogne, et celui de Charoux, dans le diocèse de Poitiers, qu'il s'agissait uniquement de prouver l'existence juridique de la coutume en question. A quelques mois de là, les moines du cloître de Saint-Bertin parvinrent à prouver, dans la discussion de leur démêlé relativement à celui d'Auxy-le-Château, que depuis quarante ans les religieux de ce monastère choisissaient leur abbé parmi eux. Innocent lui-même avait mentionné, dans sa décrétale, que ce même monastère avait tiré sept fois son abbé du couvent de Saint-Bertin. Raymond de Pennafort, considérant cette circonstance comme entièrement erronée, a laissé de côté le passage qui s'y rapporte; mais il reproduit la partie décisive du dispositif, à savoir que les moines (de Saint-Bertin) avaient fourni la preuve de la prescription de quarante ans.

Tous ces passages semblent clairs et décisifs. Néanmoins on a trouvé moyen de les obscurcir et d'en tourmenter le sens de manière à n'y voir que l'application à la coutume, dans des cas particuliers, de la condition canonique de quarante ans pour prescrire contre le droit d'un tiers, sans aucune intention d'énoncer un principe général de droit coutumier proprement dit (3). C'est la signification que l'on a prêtée surtout à l'approbation donnée par Boniface VIII à la coutume qui permet à l'évêque, par exception au droit commun, de ne pas convoquer son

(1) Cap. 8, X, h. t. - Puchta, loc. cit., (2) Joh. Abbat. Fiscum, Ditt., ann. 1051 lom. I, p. 154).

(3) Cap. Non est, 3, h. t. in 6to.

p.

280 sqq.

(Martène, Nov. Thes. Anecd.,

chapitre pour le jugement des crimes des clercs, pourvu seulement que cette coutume ait légalement prescrit (1), et la décrétale Cum tanto elle-même a dû se plier à cette interprétation factice (2). Mais l'on ne devait pas s'en tenir là.

Les partisans de cette opinion avaient soutenu que le laps de temps nécessaire à la prescription n'était pas exigé pour la coutume en général; à leur tour, grand nombre de canonistes subséquents ont voulu voir dans la décrétale le principe que la coutume dérogeant à la loi devait être basée sur une prescription lapsu temporis; seulement que ce laps de temps n'était point de quarante ans, mais de dix. Cette théorie, qui a prévalu peu à peu (3), est arrivée, par différentes voies, à écarter toutes les autres (4), mais principalement au moyen d'une distinction arbitraire de la coutume à l'égard des lois. Ainsi on professait qu'il suffisait d'une prescription de dix ans pour qu'une coutume pût déroger à une loi qui n'avait jamais été reconnue par le peuple, et d'une prescription de quarante ans vis-à-vis de toute autre loi (5). D'autres rejetaient cette distinction comme superflue, sinon en elle-même, du moins relativement à la coutume, et exigeaient quarante ans dans les deux cas (6). Un troisième système se contentait pour tous les cas de la prescription de dix ans (7), et se fondait, en cela, sur ce qu'il était admis que le droit romain n'exigeait que ce laps de temps (8), et que là où la loi ne

(1) Puchta, loc. cit., vol. II, p. 281, note 27.- - V. Savigny, System des heutigen Romischen Rechts, vol. 1, p. 154, note bb. — Richter, Kirchenrecht, § 181, note 4.

(2) Eichhorn, Grundsätze des Kirchenrechts, vol. II, p. 42 sqq. — Reiffenstuel, Jus canon. h. t., § 4, n. 105, 107 (tom. I, p. 165).

(5) Bened. XIV, de Synod. diœc., lib. XIII, cap. 5, n. 4.

(4) Zasius, loc. cit., n. 14.

(5) Suarez, de Legib., lib. VII, c. 18, n. 12. — Reiffenstuel, loc. cit., n. 102, p. 166.

(6) Fagnani, Comment. ad Cap. Treugas, 2, X, de Treuga et pace (I, 54', n. 40, 67). Reiffenstuel, loc. cit., n. 104, p. 165.

(7) Pirhing, Jus canon. h. t., n. 39 (tom. I, p. 129). — Schmalzgrueber, Jus canon. h. t., § 5, n. 10 (tom. I, p. 51). Reiffenstuel, loc. cit, n. 105 sqq.

(8) Telle était depuis longtemps l'opinion unanime des légistes. Puchta, loc. cit., vol. II, p. 96 sqq.

distinguait point entre ce droit et le droit canon, cette distinction ne devait pas être faite (1). Les partisans de ce système se prononçaient en outre contre la prescription de quarante ans, en soutenant, en thèse générale, que vouloir exciper de la prescription en usage contre les droits des églises particulières, en faveur des coutumes dérogeantes, ce serait prouver beaucoup trop; car, dans cette hypothèse, toute coutume contraire à une loi générale de l'Église ne pourrait être protégée que par une période de cent ans, attendu que les lois générales émanent de l'Église romaine, contre laquelle il n'y a qu'une prescription de cent ans qui puisse prévaloir (2). Mais c'est là une fausse induction qui repose sur une confusion, évidemment postérieurc à l'ère des Décrétales; car autrement il y aurait vraiment lieu de s'étonner que, parmi les anciens canonistes, il ne s'en soit pas trouvé un seul qui ait eu cette même idée. Or, comme aucun d'eux n'a fait la distinction dont il s'agit, on s'explique difficilement comment elle a pu venir à la pensée de Grégoire IX. Mais examinons la chose en elle-même.

On peut dire sans doute, à la gloire de l'Église romaine, que les lois générales ont été formées dans son sein; cela est rigoureusement vrai et exact dans un certain sens; mais ce n'est pas à dire pour cela qu'elles émanent proprement d'elle. Elle prend une part immédiate à leur confection. C'est là pour elle, indubitablement, un insigne honneur; mais la puissance législative ne réside point en elle, elle réside originairement et intégralement dans le successeur de saint Pierre, l'évêque universel de l'Église. L'auréole de gloire qui resplendit autour du chef auguste a rejailli sur l'Église romaine, et l'a décorée, il est vrai, de divers priviléges infiniment honorables; de ce nombre est celui de n'avoir contre elle que la prescription de cent ans; mais ce privilége, l'Église romaine ne peut le revendiquer que comme tel et pour elle seule (3); il ne peut conséquemment se rapporter aux

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

diverses dispositions de la législation papale pour l'Église universelle. Les lois générales émanées du pape sont le domaine commun de la catholicité; elles appartiennent à chaque église, au même titre qu'à l'Église de Rome; elles ne constituent point les priviléges de cette dernière, mais une partie du jus commune. Et ainsi, une fois placé à ce point de vue général, que la prescription était une condition essentielle de la coutume, il fallait nécessairement, pour prescrire contre le droit commun, appliquer la règle générale, adoptée dans le droit canon, d'une prescription régulière de quarante ans.

Dans plusieurs passages des sources canoniques du droit, il est question encore, relativement aux coutumes, d'un intervalle de temps immémorial; mais cela ne se rapporte qu'aux cas où il s'agit de l'acquisition de certains droits déterminés, et l'on ne peut en conclure que le principe, qu'à défaut de titre la preuve d'un laps de temps déterminé ne suffit pas, mais qu'il faut une prescription immémoriale, soit applicable à toutes les coutumes en général (1).

Enfin, pour ce qui est de la preuve de la prescription (2) exigée par les canons, il est laissé au juge d'user de tous les moyens d'investigation historique à sa disposition pour arriver à cette preuve, et ici les témoignages oraux et les documents écrits sout également admissibles. Ces derniers ont non-seulement à constater les différents actes, mais encore à fixer l'époque à dater de laquelle ces actes se sont produits sans réclamation. Un moyen de preuve toujours certain, c'est la connaissance antérieure d'une coutume in contradictorio, parce que cela suppose que le juge avait déjà alors sa conviction formée sur la prescription de la coutume. Toutefois aucune espèce de preuve du nombre d'années requis ne suffirait à établir la validité juridique d'une coutume si elle n'était pas raisonnable; c'est pourquoi nous allons maintenant passer à l'examen de cette qualité pour en exposer le

véritable sens.

(1) Layman, loc. cit.

(2) Reiffenstuel, loc. cit., § 7, n. 170, p. 172.

§ CLXIII.

5. Les coutumes, pour être canoniquement valides, doivent être
raisonnables.

Que faut-il entendre par coutume raisonnable? Cette question est, à double titre, d'une importance majeure (1): spécialisée pour le juge, dans tous les cas particuliers, par le droit canon, sous cette formule pratique : La coutume invoquée est-elle raisonnable (2)? elle est, dans sa formule générale, très-diversement résolue par les canonistes.

On chercherait en vain dans le droit canon une définition expresse de la coutume raisonnable; mais il en retrace le caractère dans un si grand nombre d'exemples particuliers, que l'on peut trouver dans ces appréciations diverses la base solide d'une règle générale et sûre dans le domaine du droit ecclésiastique. Cette règle est celle-ci : En cas de doute, surtout lorsqu'il s'agit d'une coutume præter legem (3), le juge doit présumer toujours en faveur de la coutume (4).

Nous avons parlé de l'extrême divergence des opinions sur le sujet qui nous occupe; en voici une rapide esquisse : quelquesuns donnent le nom de raisonnable à la coutume qui peut devenir l'objet d'une loi juste dérogeant à une autre loi déjà existante (5). Cette définition est incontestablement exacte; mais elle ne fait pas faire un pas à la solution de la question. Une autre opinion veut qu'il n'y ait de coutume irraisonnable que celle qui blesse un principe de droit naturel ou de droit divin (6). Selon une troisième, on doit considérer comme telle toute coutume en opposi

(1) V. Savigny, System des heutigen ræmischen Rechts, vol. I, (2) Glossa Rationabilia, ad Cap. Consuetudinem, 1, h. t. in 6to. hing, Jus canon. h. t., § 5, n. 30 (tom. I, p. 127).

(5) Schmalzgrueber, Jus canon. h. t., § 2, n. 8 (tom. I, p. 50). (4) Reiffenstuel, Jus canon. h. t., § 2, n. 43 (tom. I, p. 158).

[blocks in formation]

(5) Sanchez, de Matrimon., lib. VII, disp. 4, n. 14 (Edit. Lugd. 1690, t. II, p. 15). — Reiffenstuel, loc. cit., § 2, n. 33, p. 257.

(6) Navarrus, Consil. 3, de censib., n. 4.

« PredošláPokračovať »