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Or, il n'y a rien de tout cela dans l'établisse ment du Christianisme. Au contraire, tous ces moyens lui ont manqué, et se sont tournés pour lui en obstacles humainement invincibles: car n'ayant à opposer que la patience aux efforts violens de la puissance temporelle, il a eu en même temps à lutter contre sa propre doctrine, contre les dispositions et les préjugés de ceux à qui elle était annoncée, et contre les qualités personnelles de ceux qui la prêchaient.

1o. L'esprit et le cœur de tous les hommes devaient naturellement repousser la doctrine chrétienne.

Non seulement elle était nouvelle, elle était encore, de l'aveu de ceux qui la prêchaient, une folie aux yeux de la raison humaine, (I Cor. 1. ). Un pauvre charpentier, Fils de Dieu, Dieu luimême, né dans une crêche, fuyant en Egypte pour échapper aux poursuites d'un roi ombrageux; caché dans l'obscurité d'une boutique pendant trente années consécutives; puis haï et méprisé, pendant trois ans, des principaux de sa nation ; saisi une troupe de soldats, abandonné de ses disciples, moqué, souffleté, traité comme un fou, flagellé comme un vil malfaiteur, crucifié entre deux larrons, tandis que ses ennemis tournaient en dérision sa puissance, et le défiaient de descendre du bois de son supplice; ce même Dieu ressuscité, régnant glorieux au Ciel, devant juger sévèrement les hommes, et punir par des châtimens effroyables et

par

éternels l'inobservation de la morale évangélique : voilà des dogmes très-propres, sans aucun doute, à révolter l'esprit de tous les hommes.

La morale ne favorisait aucune passion; elle les contredisait toutes, elle les attaquait toutes de front; elle voulait que l'homme renoncât à lui-même en tout ce qui plaît à la nature corrompue; elle interdisait sévèrement toute vengeance et même tout ressentiment des injures les plus atroces; elle exigeait une douceur et une patience à l'épreuve des traitemens les plus injustes; elle allait jusqu'à obliger à rendre le bien pour le mal, à aimer comme soi-même un enuemi mortel. Elle ne défendait pas seulement les actions mauvaises, mais même les désirs et les simples pensées; elle enseignait qu'on doit se détacher de tous les biens de ce monde, n'en user qu'en passant et avec modération; le bonheur qu'elle promettait était pour une autre vie, et ce bonheur, tout différent de ce qui charme les sens et de ce que recherche la nature, devait être la récompense de la fidélité persévérante avec laquelle l'homme aurait suivi, durant cette vie terrestre, Jésus-Christ pauvre, humilié, cru

cifié.

Mais, dit-on, la sublimité des dogmes et la pureté de la morale du Christianisme lui donnaient un avantage immense sur les religions dominantes. Qu'importent la sublimité des dogmes et la pureté de la morale, quand les dogmes et la morale sont directement contraires à l'orgueil et aux pas.

sions des hommes? Si nous voyons aujourd'hui un grand nombre d'incrédules, quoique la foi n'ait plus à combattre, comme dans les premiers siècles, ni les préjugés de l'éducation, ni ceux de l'habitude et de la politique, et que même ces préjugés la favorisent, avec quelle apparence de raison peut-on avancer que les apôtres n'eurent besoin que de proposer leur doctrine pour s'attacher une multitude innombrable de prosélytes? Remar quons, d'ailleurs , que les dogmes sublimes du Christianisme n'étaient nullement à la portée du peuple, et que les philosophies devaient être révoltés de ces mystères qui confondaient leur science; que la sévérité de sa morale pouvait être goûtée tout au plus d'un petit nombre d'hommes raisonnables qui ne font secte nulle part; et qu'il ne suffit pas de proposer une belle morale pour la faire pratiquer. Or, il est incontestable que la morale évangélique fut non seulement spéculativement adoptée, mais admirablement pratiquée par les chrétiens des premiers jours de l'Eglise nos incrédules ne le contestent pas, puisqu'ils prétendent, au contraire, que les vertus des premiers chrétiens ont été la cause des progrès de la Religion. C'est, en vérité, une explication singulièrement satisfaisante. On demande comment une doctrine qui choquait tous les préjugés régnans, toutes les opinions, a pu s'établir; et on répond qu'elle s'est établie parce qu'elle combattait de plus tous les penchans, toutes les inclinations

de l'homme. Ainsi, les idolâtres ont quitté leurs dieux, à cause qu'on leur a dit de quitter encore leurs biens; ils ont cru aux mystères de la religion chrétienne, afin d'avoir la consolation de se priver de tous les plaisirs, de vivre pauvres, humiliés, méprisés, et de mourir dans les tourmens. Il ne reste qu'à dire aussi qu'ils durent être fortement attirés par la discipline de l'Eglise, par les jeûnes, les prières, les veilles, la confession publique, les longues et sévères pénitences, et l'obligation d'obéir à des pasteurs qui leur commandaient de renoncer aux spectacles, aux fètes, à tout ce que le peuple, dans sa corruption, regardait comme aussi nécessaire que les alimens mêmes, panem et cir

censes.

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2. Au temps de Jésus-Christ et des apôtres l'idolatrie était la religion de l'empire. Ses fêtes, ses pontifes, ses augures, toutes les observances de son culte faisaient partie de l'ordre public. Comment les Grecs et les Romains, ces peuples dédaigneux et corrompus, auraient-ils été disposés à quitter des superstitious anciennes et domestiques, qui flattaient l'imagination, les sens, les passions, la vanité nationale , pour un culte étranger qui ne respirait que la pauvreté, les humiliations et la fuite des plaisirs? Quelques sages avaient senti le ridicule des fables populaires; mais où les conduisait leur prétendue sagesse? Elle avait amené Lucrèce à rejeter jusqu'à l'existence de Dieu; Cicéron et Sénèque, à dé

si

Ton trou

clarer qu'on doit suivre la Religion que ve établie. D'ailleurs, quelle que fût l'opinion des philosophes et des gens de lettres, le peuple n'était rien moins que désabusé; et l'idolatrie devait peu tomber d'elle-même par les progrès de la philosophie et des lumières, qu'elle se soutint encore quelque temps sous les empereurs chrétiens, (car le culte des Dieux fut toléré jusqu'à Théodose); et que l'on vit les philosophes, un Celse, un Porphyre, un Jamblique, un Hiéroclès, un Julien, un Libanius, un Symmaque, s'en déclarer les défenseurs, lorsqu'elle était près de succomber aux attaques du Christianisme.

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On peut même dire qu'elle reposait sur tous les appuis, qui naturellement pouvaient en perpétuer l'existence. Tout, dans ses dogmes, plaisait aux sens, tout y contentait l'imagination. Il en était ainsi de son culte pour honorer les dieux on s'assemblait dans des temples superbes ; des prêtres vêtus magnifiquement immolaient des victimes ornées avec pompe; les magistrats rehaussaient par leur présence l'éclat de la cérémonie; l'air était embaumé des plus doux parfums, et retentissait d'accens mélodieux : le sacrifice était suivi de festins, de danses, de jeux, de spectacles. La morale des païens ne gênait pas les passions; au contraire, elle les flattait. Les désordres pour lesquels l'homme a tant de penchant, étaient autorisés et cousacrés par les exemples des dieux. On ne punissait, dans le Tartare, que certains crimes monstrueux,

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