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l'infuffifance de la raifon pour nous con duire : trop fouvent, dites-vous, la raifon nous trompe; nous n'avons que trop acquis le droit de la récuser ( a ) : jamais le jargon de la métaphyfique n'a fait découvrir une feule vérité (b): les objections infolubles font communes à tous les fyftêmes (c): &, par une contradiction inconcevable, vous réclamez fans ceffe l'autorité & les droits de la raison.

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Convaincu de fes égaremens Vous fondez sur le sentiment intérieur les grandes vérités de la Religion naturelle ; vérités auxquelles la raifon oppose des difficultés infolubles; faites-y attention, je vous prie : en cela vous agissez très - sensément:& ma régle, ajoutez-vous, de me livrer au fentiment plus qu'à la raison, eft confirmée par la raifon même (d). Rien de mieux. Selon la même méthode, convaincus comme vous, non-feulement des erreurs de la raison, mais encore de l'illufion qu'elle peut faire au fentiment inté rieur, nous établiffons fur la parole de Dieu les vérités de la Religion révélée ; &notre régle, difons-nous, de nous fier au

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témoignage de Dieu plus qu'à la raison, eft confirmée par la raifon même. En quoi notre procédé eft-il différent du vôtre?

Je dis que la raison peut faire illufion au fentiment intérieur : car vous vous fouvenez que c'est toujours la raison qui fert d'arbitre entre le fentiment intérieur & l'opi nion (a); par conféquent le fentiment intérieur n'eft fûr qu'autant que la raison eft droite ; & vous n'ignorez pas combien les paffions peuvent affoiblir le fentiment

intérieur.

Ce que vous faites répliquer à vôtre raisonneur, eft curieux. M'apprendre que ma raifon me trompe, n'eft-ce pas refufer ce qu'elle m'aura dit pour vous? Quiconque veut récufer la raifon, doit convaincre fans fe fervir d'elle. Car, fuppofons qu'en raifonnant, vous m'ayez convaincu, comment fçaurois-je fi ce n'eft point ma raison corrompue par le péché, qui me fait acquiefcer à ce que vous dites? D'ailleurs quelle preuve, quelle démonftration pourrez-vous employer plus évidente que l'axiome qu'elle doit détruire? Il est tout auffi croyable qu'un bon fyllogifme eft un menJonge, qu'il l'eft que la partie eft plus grande que le tout (b).

(a) Emile, tome 4, P. 92, (b) Tome 3, P. 142.

Vous voulez bien., Monfieur, qu'en mettant votre réponse dans la bouche d'un Athée, je vous la renvoie presque mot pour mot. M'apprendre que trop fouvent la raison nous trompe, que nous n'avons que trop acquis le droit de la récufer, n'eft-ce pas réfuter ce qu'elle m'aura dit pour vous, quand vous me prouvez la Religion naturelle par des raisonnemens? Quiconque veut récufer la raison, doit convaincre fans fe fervir d'elle. Car, fuppofons qu'en raisonnant, vous m'ayez convaincu, comment fçaurai-je fi ce n'eft point ma raison abusée qui me fait acquiefcer à ce que vous dites? D'ailleurs, quelle preuve, quelle démonftration pourrez-vous jamais employer plus évidente, que les axiomes que je vous oppofe Il est tout auffi croyable que vos fyllogifmes, pour prouver l'exiftence de Dieu, font des menfonges, qu'il l'eft que mes objections font des fophifmes.

Si au lieu du langage plein de bile & de déraifon (a) que vous prêtez à l'inspiré, vous lui aviez fuggéré cette réponse, convenez que ce n'eft pas lui qui auroit joué le personnage le plus ridicule & que votre raisonneur auroit pu fe trouver embarraffé.

(e) Lettre, p. 1204

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Si

Si les vérités éternelles, que mon efprit conçoit, pouvoient fouffrir quelqu'atteinte, il n'y auroit plus pour moi nulle espéce de certitude (a). Cela eft vrai, auffi vous ai-je montré que ces vérités éternelles ne reçoivent aucune atteinte par la croyance de nos myfteres; qu'il eft faux, par exemple, que celui de l'Euchariftie foit contraire à cette vérité : le tout est plus grand que la partie. La propofition contradic-. toire, que vous mettez dans la bouche de l'inspiré, est un langage infenfé.

Avant que de finir, éclairciffons les termes une fois pour toutes; car vous en abusez étrangement. La raison peut se prendre en deux fens; ou pour la raison en général, c'est-à-dire, pour l'univerfalité des principes dont nous fentons l'évidence; ou pour la raif n en particulier, c'eft-à-dire, pour quelqu'un de ces principes clairs & évidens. La foi n'eft jamais contraire à la raison prise en général, puifqu'elle eft toujours conforme à ce principe incontestable; qu'il eft plus fûr de croire à la parole de Dieu, qu'à nos propres lumieres. Mais ce que la foi propose, peut paroître contraire à quelqu'un des principes particuliers qui nous fen blent évidens, & cela ne doit pas nous éton

(a) Emile, tome 3, p. 145. Partie I.

C

ner, puifqu'en les prenant en détail, il est affez ordinaire de ne pouvoir les concilier ensemble. C'eft ce que l'on éprouvé quand l'on examine, par exemple, s'il y a quelque chofe d'éternel, fi la matiere eft divifible à l'infini, &c. Il y a pour & contre des raisonnemens auxquels on ne peut rien répondre de fatisfaifant vous convenez vous-même de cet embarras (a). Alors c'eft à la raifon à faire le difcernement des principes auxquels on doit s'en tenir par préférence : ainsi vous jugez qu'il eft plus fûr de vous livrer au fentiment intérieur qu'à la raison ; ainfi nous concluons qu'il vaut mieux s'en fier à la révélation établie par des faits palpables, qu'à des raifonnemens où il eft dangereux de fe tromper; & que l'on ne doit pas nier un dogme certainement révélé, parce qu'il renferme des difficultés.

Nous ne pouvons croire que ce qui est démontré vrai, ou en lui-même, où par des preuves extérieures; ce principe eft inconteftable. Il faut des motifs pour croire; &, comme vous dites, il me faut des raifons pour foumettre ma raison ( b ). Unė foi deftituée de preuves feroit un entêtement & un fanatifme. Nous ne pouvons

(a) Emile, tome 3, p. 30, (b) Ibid. p. 129,

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