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totalité de parties, mais une unité parfaite; ce moi qui sent, qui veut et qui pense, n'est donc pas divisible; il n'est donc pas matériel. Il faut donc ou nier l'unité de personne dans l'homme, ce qui est souverainement absurde, ou reconnaître en lui une ame spirituelle.

Cette vérité paraît dans un nouveau jour en considérant que la pensée ne peut être que matière, ou accident de la matière, ou modification d'une substance immatérielle et indivisible.

Or, la pensée n'est pas matérielle : cela parle de soi. Qui dira jamais la moitié, le quart d'une négation ou d'une affirmation; un pouce ou une ligne de perception; le dessus ou le dessous d'une volition; le côté droit ou le côté gauche d'un désir?

La pensée n'est pas un accident de la matière. Dans cette hypothèse, elle serait repos, ou mouvement, ou effet du mouvement. Elle n'est pas repos de la matière; car elle est un acte : le jugement qui réunit plusieurs idées, le raisonnement qui réunit plusieurs jugemens, sont un travail, et tout travail est mouvement et non repos. Elle n'est pas mouvement de la matière; car le mouvement a sa mesure et ses degrés; la pensée, au contraire est indivisible. Le mouvement matériel a des bornes qui l'empêchent de s'étendre au delà de certains espaces; la pensée n'a d'autre champ que l'infini. Le mouvement ne peut agir qu'au présent; le passé et l'avenir sont également du ressort de la pensée : l'espérance, par exemple, serait donc un mouve

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ment futur; mais comment un mouvement futur matériel existerait-il au présent? La pensée n'est donc pas un mouvement de la matière. Elle n'est pas non plus l'effet du mouvement; car un effet ne peut pas être plus noble que sa cause, une conséquence plus puissante que son principe. Or, que la pensée soit plus noble et plus forte que le mouvement matériel, qui ne le voit au premier coup d'œil, puisque la pensée connait ce mouvement, tandis que ce mouvement ne la connaît pas; puisque la pensée parcourt, dans la plus petite fraction de temps, des espaces que ce mouvement ne pourrait franchir que dans des milliers de siècles; puisque la pensée peut être simultanément directe et réfléchie, en allant en avant revenir sur elle-même, tandis que le mouvement ne peut se replier sur luimême, ne pouvant pas avoir à la fois une direction droite et une direction rétrograde?

La pensée n'est donc ni matière, ni repos, ni mouvement, ni effet du mouvement de la matière. Elle est donc une modification d'une substance immatérielle.

Enfin, peut-on nier que l'homme compare ses pensées, ses sensations, qu'il préfère, par choix, l'une à l'autre? Eh bien! il faut le nier, ou admettre la spiritualité de l'ame. En effet, si l'homme est tout matière, s'il n'y a pas en lui un être pensant simple et indivisible, ou son organe pensant et sentant tout entier aura les deux idées, les deux sensations, ou chaque particule de cet organe aura

les deux sensations, les deux idées, ou enfin la particule A aura une sensation, une idée, et la particule B en aura une autre. L'organe pensant et sentant ne peut avoir tout entier les deux idées, les deux sensations; car c'est un axiome incontestable et incontesté de la science de la matière, qu'une même partie ne saurait avoir en même temps deux modifications du même genre, par exemple, deux figures, deux étendues, etc.; et, d'ailleurs, cet organe étant composé d'autant d'unités distinctes qu'il renfermerait de parties, comment ces parties multiples, distinctes, pourraient-elles constituer le moi simple et un qui compare et juge? L'indivisible peut-il être composé du divisible? Si chaque particule a les deux sensations ou les deux idées, il y aura deux comparaisons: or, il est évident que lorsque l'homme juge, il n'y en a qu'une.- -Si les deux idées ou les deux sensations sont séparées, l'une dans la particule A, l'autre dans la particule B, où se fera la comparaison? La comparaison exige un comparateur, le jugement suppose un juge unique prononçant sur deux idées ou sur deux sensations qu'il a. Aucune de ces deux particules n'ayant ni les deux idées ni les deux sensations, la comparaison et le jugement deviennent impossibles. L'homme cependant compare et juge; il y a donc en lui une ame simple et immatérielle.

Cette conséquence est tellement irrécusable que Bayle, au sujet de ce raisonnement, s'exprime ainsi : «< On peut dire que cette preuve est une dé

>>monstration aussi assurée que celles des géomè>> tres; et si tout le monde n'en sent pas l'évidence, >> c'est à cause que l'on n'a pu ou que l'on n'a point » voulu s'élever au-delà des notions d'une imagina» tion grossière ( t. 1, p. 111 ). »

§ II. Liberté.

La preuve la plus simple est décisive pour notre liberté.

Je suppose que je veuille remuer le bras. Je puis le porter à droite ou à gauche : si je le porte à droite, et que je considère sérieusement pourquoi je commence à le porter dans cette direction, je sens invinciblement que ma volonté seule m'y détermine. Je suis tellement maître de mes mouvemens, que je puis les annoncer d'avance, et m'engager à faire trouver vraie ou fausse toute conjecture qu'on se permettrait à cet égard. Si l'on conjecture, par exemple, que dans un moment je lèverai le bras, je m'engagerai hardiment à le tenir immobile, et il suffira même qu'on me demande tel mouvement que j'allais faire, ou même que j'avais déjà commencé, pour que j'exécute aussitôt le mouvement contraire. Je suis donc libre, et je n'obéis dans ces actes qu'à mon bon plaisir.

Sans doute, je suis passif, quand j'éprouve des sensations; mais sur les objets de ces mêmes sensations je suis le maître d'agir ou de ne pas agir. La comparaison de deux sensations diverses, par exem

ple, ne peut être que l'action libre de mon ame. En effet, la comparaison d'un objet avec un autre objet n'est ni la perception de l'un, ni la perception de l'autre, ni la perception des deux je puis avoir deux sensations sans en faire le rapprochement, sans considérer la relation qui existe entre leurs objets; tous les jours j'éprouve des sensations différentes sans les comparer; l'impression qu'elles me font n'entraîne donc pas nécessairement cette comparaison; si je la fais, c'est donc ma volonté qui s'y porte d'elle-même; si elle s'y porte d'ellemême, elle agit; si elle est active, elle n'est donc pas sous la loi de la fatalité. Mais si l'ame humaine est active sur les idées qu'elle a reçues passivement par les sens, elle l'est à bien plus forte raison sur celles qui sont les purs effets de sa volonté.

Et remarquez que la certitude de la liberté de l'homme repose sur le même fondement, que celle de son existence et de sa pensée. Pourquoi, diraije au fataliste, ne puis-je pas douter que j'existe et que je pense? parce que je sens invinciblement l'un et l'autre. Or je sens d'une manière aussi invincible que je suis libre; si je ne suis pas certain de ma liberté, je ne le suis ni de ma pensée ni de mon existence.

Aussi, personne ne peut-il nier sérieusement la liberté. Elle est tellement inhérente à l'homme qu'il lui est impossible de la combattre sans mettre sa conduite en contradiction avec ses discours : ce sentiment naturel est plus fort que tous les sophis

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