Obrázky na stránke
PDF
ePub

cette excommunication brise seulement le lien personnel qui unit le prince à la société chrétienne, elle ne le frappe plus dans sa vie politique. Un roi, exclu de la communion des fidèles, ne cesse plus pour cela d'être roi, comme sous l'empire de l'ancienne législation; cet effet de la sentence est abandonné à la justice de Dieu.

La raison de cette différence est que l'État moderne n'est pas, comme celui du moyen àge, substantiellement et législativement chrétien, identifié, en quelque sorte, au royaume spirituel, mais sculement posé à côté de lui. Du neuvième au quinzième siècle, une étroite solidarité reliait en un même faisceau les intérêts de l'Église et ceux de la communauté temporelle; les princes n'étaient que les membres supérieurs de la société politique, incorporée à la société chrétienne; ils n'avaient point de raison d'ètre, comme pouvoir, en dehors, ni même à côté de l'Église (I). Alors donc qu'un souverain était mis au ban de la société chrétiende par un décret d'excommunication, il était par là même retranché et exclu du corps politique. Maintenant l'État a, pour ainsi parler, sa maison distincte et séparée, à côté de l'Église, et celle-ci n'a ni le pouvoir ni le droit d'en expulser le souverain, alors même qu'il prévarique contre la loi divine (2). Mais, dans l'appréciation de l'État chrétien, tel qu'il existait au moyen àge, il n'y a pas de milicu possible; ou il faut accorder à l'Église le droit de déposer tout prince prévaricateur, par le seul fait de l'excommunication, ou il fant lui refuser absolument le droit d'excommunication; or cette dernière hypothèse est compléte

(1) Hurter, Innocenz III, und seine Zeitgenossen, vol. I, p. 166.

(2) Il ne faut pas oublier que l'auteur se pose ici sur le terrain du fait, et non du droit absolu. La séparation presque complète des deux pouvoirs est un fait accompli et passé dans nos mœurs. Mais le droit de l'Eglise est imprescriptible, comme fondé sur l'ordre essentiel et supérieur à tous les droits humains. Aujourd'hui, comme par le passé, elle a droit d'animer de sa vie, de pénétrer de son esprit toutes les combinaisons sociales; et pour nous servir de la comparaison de notre auteur, si la puissance séculière est comme l'épouse vis-à-vis du pouvoir surnaturel des clefs, il est clair que la rébellion de l'épouse, et sa séparation, quelque longue qu'elle puisse être, ne sauraient rompre le lien conjugal, ni détruire la puissance radicale de l'époux : Quod Deus conjunxit, homo non separet. (Note du Traduct.)

ment inconciliable avec la constitution et l'économie du royaume de Dieu.

Dans les considérations qui précèdent, nous avons exposé sommairement le système de l'État chrétien, tel qu'il est retracé dans les décrétales. Nous croyons cependant indispensable d'examiner plus particulièrement, et une à une, ces institutions pontificales, à cause de leur importance toute spéciale. Elles nous serviront aussi de fil conducteur dans le parcours des développements historiques des rapports ultérieurs de l'Église et de l'État. Au premier rang de ces décrétales se place le célèbre chapitre Venerabilem: c'est par là que nous devons commencer.

§ CXXVII.

6. Décrétale Venerabilem.

A la mort de Henri VI (1197), l'élection de son successeur divisa toute l'Allemagne en deux camps. Le plus grand nombre des princes électeurs se décida en faveur du frère du roi défunt, Philippe de Souabe, qui se trouvait alors, pour avoir ravagé les États de l'Église, sous le coup de l'excommunication; les autres choisirent Othon de Brunswick, fils de Henri le Lion.

Othon notifia son élection à Innocent III et le pria de lui conférer la dignité impériale. Mais le pape ne voulut point se mèler de la querelle, espérant que les princes viendraient d'eux-mêmes à un arrangement pacifique (1). Son espérance ne fut point réalisée; Othon et Philippe furent tous deux couronnés, le premier à Aix-la-Chapelle, ville traditionnelle des couronnements, par l'archevêque de Cologne, dont c'était l'attribution; le second par un étranger, l'évêque de Tarantaise-lez-Mayence. Bientôt la guerre éclata entre les deux rois. Innocent avait d'abord pleinement compté sur Conrad, archevêque de Mayence, pour négocier fructueusement la paix, en sa qualité de premier prince de l'empire.

(1) Hurter, Geschichte Papst Innocenz III und seiner Zeitgenossen, vol. 1, p. 148, 165, 173.

L'événement ne répondit pas à son attente: Conrad s'acquitta mollement de sa mission, et sa mort, qui suivit de près le commencement des hostilités, vint encore aggraver la situation. Chacun des deux partis prétendit au droit exclusif de lui donner un successeur et élut son candidat, ce qui amena de nouveaux conflits et força le pape, après un silence de deux ans, de rompre enfin sa prudente neutralité et d'adresser une lettre de supplications aux princes allemands pour les inviter à la concorde (1). En agissant ainsi, Innocent ne faisait que remplir un devoir auquel, à raison de l'importance qu'avait pour l'Église la conservation du royaume germanique, il ne pouvait consciencieusement se soustraire (2). Peu après, il envoya un légat en Allemagne, et déclara ensuite, sur le rapport de celui-ci, que l'excommunication qui pesait sur Philippe de Souabe le rendait indigne du pouvoir auguste de la royauté; qu'en conséquence il reconnaissait Othon pour souverain légitime des États germaniques (1201) (3). Cette sentence excita les colères des partisans de Philippe. Parmi les princes allemands qui s'étaient rangés du côté du duc de Souabe était Berthold, duc de Zahringen. A son instigation, des ambassadeurs furent délégués auprès du pape, pour réclamer contre la reconnaissance d'Othon. Ceux-ci prétendirent que le légat avait outre-passé les limites de ses pouvoirs, qu'il eût agi soit comme électeur, soit comme juge. En effet, disaient-ils, comme électeur, il avait moissonné dans un champ étranger et porté atteinte aux prérogatives des princes allemands, en s'ingérant dans une élection qui était le droit exclusif de ces princes, et, comme juge, il avait procédé contre toutes les règles de l'équité, en condamnant une des parties, malgré son absence, sans l'avoir entendue ni même citée..... A ces réclamations, Innocent répondit par une lettre (4) dont un extrait figure dans le premier livre des Décrétales de Grégoire IX, sous le titre de

[blocks in formation]

3) Id., ibid., p. 363 sqq., p. 409 sqq.

(4) Registr. Innoc. III, de Negot. Imperii, Ep. 61, 62 (Baluze. Epist. Innoc. III, tom. I, p. 715).

[ocr errors]

Electione, et que l'on a coutume de citer, à cause de son mot initial, sous le nom de chapitre Venerabilem (1).

Dans cette lettre, qui porte la date de l'année 1202, Innocent commence par déclarer qu'en vertu de sa charge apostolique, devant à tous une impartiale justice, et ne voulant permettre aucune usurpation de ses droits de pontife, il ne peut non plus prétendre s'arroger les prérogatives des princes. Il reconnaît leur droit électoral, fondé sur le droit ancien et la coutume; il le reconnaît dans toute sa plénitude; c'est son devoir, et il est d'autant plus éloigné d'élever le moindre doute à cet égard, qu'il sait que les princes allemands ont reçu ce droit des mains de la papauté, la couronne impériale ayant été transférée par les papes des empereurs grecs à Charlemagne.....

Ces paroles du pape soulèvent deux questions d'un haut intérêt ; la première est celle-ci : Quel est le véritable point de vue légal d'où l'on doit envisager le couronnement de Charlemagne?

La seconde est relative à l'origine du droit électoral des princes allemands, lequel était, au treizième siècle, l'apanage exclusif de sept d'entre eux. Nous avons déjà consacré un chapitre spécial à l'appréciation historique de l'avénement des Carlovingiens au tròne impérial (§ 119); il ne nous reste plus ici qu'à ajouter quelques observations.

C'est un fait déjà établi que le couronnement de Charlemagne doit être considéré comme une restauration de l'empire romain d'Occident, et cependant on rencontre à chaque pas dans les Décrétales (§ 119) le mot de translation. Mais cette locution, mème dans la bouche d'Innocent III, ne signifie assurément pas ce qu'elle semble signifier, c'est-à-dire que les papes ont enlevé Tempire à l'Orient pour en doter l'Occident. S'il en avait été ainsi, les souverains de Constantinople auraient cessé, dès l'an 800, d'être reconnus comme empereurs. Or il est facile de fournir la preuve historique du contraire, puisqu'on voit non-seulement. les princes latins fixer, pendant un certain temps, leur résidence dans la capitale de l'Orient, mais les papes eux-mêmes, tant que

(1) Cap 34, X, de Elect. (1, 6).

les princes byzantins n'eurent pas officiellement embrassé la foi schismatique (1), reconnaître leur puissance comme légitime, et la qualifier constamment de titres exclusivement réservés aux pouvoirs assis sur des droits incontestés. Mais, à défaut d'autres exemples, il suffirait de rappeler la conduite d'Adrien II à l'égard de l'empereur Basile. Ainsi cette phrase: «Translation de l'empire d'Orient à Charlemagne... » ne peut être entendue que dans le sens d'une transmission, faite par Léon III à Charlemagne, d'une puissance qui, de l'Orient, s'étendait aussi sur l'Occident; transmission qui emportait de soi, pour le prince couronné des mains du chef de l'Église, l'obligation d'être le défenseur spécial du royaume de Dieu et de ses pontifes.

Par là s'explique eu mème temps cette parole d'Innocent III, que le droit électoral des princes allemands leur était venu du pape. Si l'on considère, en effet, que le pape invoque tout à la fois l'autorité de l'ancien droit et celle de la coutume en vertu de laquelle les princes exercent ce droit, on trouvera peut-être, dans les traditions de la féodalité germanique, une donnée suffisante pour arriver à la solution des difficultés que présente la question. Et d'abord, il est impossible d'admettre que le droit d'élire le dépositaire du pouvoir suprême ait été complétement abandonné aux jeux du sort ou à l'arbitraire. Il est constant, au contraire, que, dès la plus haute antiquité, cette haute prérogative avait été l'apanage de la noblesse allemande (2), qui paraît l'avoir exercée au nom et comme mandataire de toute l'armée. C'est un fail historique incontestable que, généralement, dans toutes les choses sur lesquelles une grande multitude d'hommes est appelée à délibérer, la décision définitive devient le partage d'un cercle beaucoup plus restreint d'individus; c'est aussi ce principe qui avait prévalu, dans les élections royales, parmi les princes d'Allemagne, formant, à cette époque, un corps très-nombreux. Dans l'origine, l'ordre tout entier déléguait ses pouvoirs à un petit nombre de

(1) Glossa, ad h. cap., v. Transtulit. Ce passage assimile l'empereu grec schismatique au roi du jeu d'échecs.

(2) Deutsche Geschichte, vol. I, p. 424 sqq., p. 455 sqq.; vol. II,

p. 394.

C

« PredošláPokračovať »