ODE XXXII. A SA LYRE. Obéissons à d'augustes désirs, Et si quelquefois, sous l'ombrage, En jouant avec toi, j'ai charmé mes loisirs, Allons, ma lyre, du courage, Dis quelque chant latin qui vive d'âge en âge. Alcée a, le premier, sous ses doigts immortels, Fait résonner ta corde; avide de carnage, Soit que de Mars il vît les jeux cruels, Soit qu'il attachât au rivage Son vaisseau fatigué qu'avait battu l'orage, Aux cheveux noirs, à la noire prunelle, De nos ennuis douce consolatrice, Charme de la table des dieux, Toutes les fois que t'implorent mes vœux, CARMEN XXXV. AD FORTUNAM. O diva, gratum quæ regis Antium, Mortale corpus, vel superbos Vertere funeribus triumphos, Te pauper ambit sollicita prece Quicumque Bithyna lacessit Carpathium pelagus carina. Te Dacus asper, te profugi Scythæ, Regumque matres barbarorum, et Purpurei metuunt tyranni, Injurioso ne pede proruas Stantem columnam; neu populus frequens Ad arma cessantes, ad arma Concitet, imperiumque frangat. ODE XXXV. A LA FORTUNE. De l'heureuse Antium déité tutélaire. Toi, dont la seule volonté Tire un humble mortel de son obscurité. Et qui souvent changes, dans ta colère, La pompe d'un triomphe en pompe funéraire; Du laboureur, quand il est malheureux, C'est toi que va chercher l'inquiète prière; C'est toi, reine des flots, qu'implore dans ses vœux Le nautonnier qui des mers d'Ionie, Sur un vaisseau de Bithynie, Tente les hasards périlleux. Tout reconnaît tes lois : la farouche Dacie. Sous la pourpre et sous la couronne, Que frémissante, agitée, autour d'eux La foule ne s'écrie: Aux armes! peuple, aux armes! Te semper anteit sæva Necessitas, Clavos trabales et cuneos manu Gestans ahena; nec severus Uncus abest, liquidumque plumbum. Te Spes, et albo rara Fides colit Velata panno, nec comitem abnegat, Utcumque mutata potentes Veste domos inimica linquis. At vulgus infidum et meretrix retro Cum fæce siccatis amici, Ferre jugum pariter dolosi. Serves iturum Cæsarem in ultimos Orbis Britannos, et juvenum recens Examen Eois timendum Partibus, Oceanoque rubro. Eheu! cicatricum et sceleris pudet, Ætas? quid intactum nefasti Liquimus? unde manum juventus Et, justifiant leurs alarmes, Ne brise enfin leur pouvoir odieux. Devant toi, cruelle, absolue, La Nécessité marche, armant sa froide main De coins et de crochets, de plomb, de clous d'airain; L'Espérance te suit; de blanc toute vêtue, La Fidélité même accompagne tes pas; Rare vertu, qui ne déserte pas, Quand, sous ton voile noir, du puissant qui te pleure, Et les amis qui, lâchement, Disparaissent, comme eux, lorsque l'amphore est vide; Ingrats! dont le zèle trompeur, Loin de le partager, fuit le joug du malheur. Jusqu'aux bornes du monde entraînant son armée, Sur ces jeunes soldats, dont l'ardeur animée, Siècle impie! ah! pleurons, pleurons sur nos misères, Qu'avons-nous laissé sans souillures? A quel temple avons-nous épargné nos injures, |