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durée de la peine que le péché mérite. Quand quelqu'un a été insulté, blessé dans ses biens, ou dans son autorité, est-ce que l'on mesure la durée de la peine uniquement sur le temps que le crime a exigé? Ce serait une règle absurde. Il ne serait pas moins inconséquent de mesurer la durée de la peine sur la bassesse du coupable: tous les hommes reconnaissent qu'une faute est d'autant plus grave que la personne offensée est plus digne; d'où il suit que la durée de la peine, loin de décroître à proportion de la bassesse du coupable, devrait naturellement croître en raison directe de cette bassesse. Mais si la bassesse du pécheur ne peut pas être la mesure de la durée de sa peine, la grandeur de celui qu'il a offensé ne peut-elle pas l'être? Du serviteur qui offense son égal à celui qui outrage un magistrat, à celui qui outrage le Souverain, l'offense croit toujours, et la gravité de l'offense croissant, la peine doit croître. Quelle mesure peut-on fixer, lorsque l'offense viole les droits de Dieu dont la majesté est infinie? Sur quel fondement prétendrait-on assigner à sa justice la borne où voudrait s'arrêter notre imagination, effrayée d'une peine éternelle?

En second lieu, la volonté de l'homme qui, jusqu'à la mort persiste dans le péché, est une volonté éternelle, dans son essor, dans sa disposition, dans ses désirs. Le pécheur frappé par la mort` quitte le monde, quitte les instrumens de son péché, mais il ne quitte pas l'attache au péché : c'est

un navigateur qui côtoie un rivage séduisant, et qui veut s'y fixer; le courant de l'eau l'emporte malgré lui, dans le vaste océan où la terre de ses délices disparaît à ses yeux, en ne lui laissant que des désirs et des regrets. Si le pécheur impénitent ne mourait pas, il continuerait de pécher. Or, celui qui veut ne vivre jamais sans péché, pourquoi ne mériterait-il pas de ne vivre jamais sans souffrance?

En troisième lieu, la bonté divine ne doit pas pardonner au pécheur, et sa justice, au contraire, doit le punir, tant que sa volonté, après le terme de son épreuve qui est la vie, reste attachée au mal, à sa révolte contre l'ordre. Si donc la volonté du pécheur, après la mort, reste toujours attachée au mal, Dieu ne doit jamais lui pardonner, il doit le punir toujours. Or, que la volonté du pécheur ne soit pas constamment telle, dans l'éternité, c'est ce que l'incrédule ne prouvera jamais. Il sera done à jamais dans l'impuissance de montrer que l'éternité de l'enfer soit incompatible avec la bonté et la justice de Dieu. « La durée de la coulpe, dit à ce » sujet Léibnitz, est cause de la durée de la peine :

les damnés demeurant méchans, ne peuvent être >> tirés de leur misère: ils sont eux-mêmes la cause » de la continuation de leurs tourmens (Théodi» cée, II, § 266). »

Remarquons enfin, que la détermination du degré de la peine ne se règle pas toujours, ni uniquement sur la qualité et le degré du crime, mais sur des raisons tirées du but du législateur; or, ce

but demande qu'il décerne des peines capables de procurer, autant qu'il se peut, l'observation des lois et d'empêcher que les hommes ne les violent. Ainsi, la proportion entre le crime et la peine n'appartient pas tant à la justice qu'à la prudence et à la sagesse, qui doivent déterminer des peines telles qu'il les faut pour que les lois soient observées; d'où il suit que toute punition proportionnée à cette fin n'est point injuste. Or, l'éternité de l'enfer est une peine telle qu'il la faut pour que la loi de Dieu soit observée. En effet, nous voyons tous les jours que la croyance d'un enfer éternel n'est pas capable d'empêcher le mal, d'arrêter la perversité des scélérats : que serait-ce de ce monde si les méchans en tout genre n'avaient à craindre qu'un supplice passager? Oui, sans ce frein, le désordre serait au comble, et la loi divine, à peu près nulle pour la plupart des hommes.

Le dogme de la grâce, loin de rien avoir de choquant, donne à la faiblesse originelle de la liberté de l'homme, déchu d'un état meilleur, le secours divin dont elle a besoin. L'homme est libre, et cependant il est si souvent le jouet de ses passions et des choses mondaines! La grâce de Dieu intervient dans ses déterminations, sans lui ôter le libre arbitre qui peut refuser son consentement. L'homme se sent impuissant au bien ; mais il sait qu'il a pour aide la puissance infinie. La nécessité de la grâce, en lui faisant sentir sa faiblesse, le ramène continuellement à Dieu; la promesse de la grâce, en lui

montrant Dieu toujours disposé à favoriser son salut, l'encourage à y coopérer : le besoin d'un appui l'oblige à le demander; la certitude qu'il a de le trouver l'excite à en faire usage.

Il nous reste à parler de deux maximes que I'Église catholique professe, et qui ont donné lieu à beaucoup de déclamations mensongères : Sans le baptême nul n'entrera dans le royaume des Cieux. Hors de l'Eglise il n'est point de salut. Pour montrer que ces dogmes n'ont rien de barbare, il suffit d'en présenter le sens tel que l'Église l'entend, et non tel que se plaisent à le forger ses ennemis. Il est vrai que, sans le baptéme, nul ne jouira de la béatitude céleste; mais il est permis de croire que les enfans morts sans ce sacrement ne sont pas condamnés aux flammes de l'enfer, et que leur destinée est préférable au néant. Ce monde n'est pas le séjour du bonheur; et cependant il peu d'hommes qui préfèrent la mort à la vie : le sort de ces enfans peut être tel, que, tout imparfait qu'il est, ils l'aiment mieux que l'anéantissement, et qu'ils désirent de le conserver. Or, l'on ne prouvera jamais que Dieu, par justice, ait dû destiner tous les hommes à la béatitude surnaturelle.

est

Hors de l'Église point de salut, cela est vrai encore. Mais les enfans baptisés de toutes les Communions appartiennent à l'Église; mais les adultes baptisés qui se trompent de bonne foi n'ont pas cessé d'appartenir à l'Église, et s'ils ne sont responsables que de leur mauvaise foi et de leurs mau

son;

vaises actions, où est l'injustice? où est la barbarie ? Quant au sort de ceux qui meurent sans avoir connu la révélation, et qu'on appelle infidèles, il est reconnu que la moitié de l'espèce humaine meurt dans la première enfance avant l'âge de raidonc la moitié des infidèles sont dans le cas des enfants morts sans baptême, pour qui l'existence est un bien dont ils désirent la conservation : la foi permet de le penser. Pour les infidèles adultes, s'ils n'ont pas pu connaître l'Évangile, ils ne seront jugés que d'après la loi de la conscience, ils ne seront punis que des fautes qu'ils pouvaient éviter, et non de n'avoir pas eu la foi; et Dieu mesurera leur peine sur le degré de leur connaissance et de leur malice ils pourront être, suivant leur conduite, plus ou moins rapprochés des enfans morts sans baptême. En cela qu'y a-t-il donc de si révoltant? Mais, dira le déiste, pourquoi les lumières de la révélation ne sont-elles pas égales pour tous? Pourquoi, lui répondrons-nous, en est-il ainsi des lumières de la raison et de la loi naturelle? Dieu est le maître de ses bienfaits : ce qu'il donne à l'un, il ne l'ôte pas à l'autre. Oseriez-vous lui reprocher de vous avoir distingué des autres hommes par les qualités de l'esprit et du cœur? Ne pas voir pourquoi Dieu agit ainsi plutôt qu'autrement, assurément ce n'est pas voir qu'il le fait par défaut de bonté ou de justice. Sachez donc ignorer, et ne prenez pas les bornes de votre intelligence pour une raison claire d'accuser la Providence divine.

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