A MON AMI J. P. LEFEBVRE.
AUTREFOIS, Sous la férule
grave savant en us, Je traduisais sans scrupule, En prose assez ridicule, Les couplets qu'Horatius Adressait au Dieu Bacchus, A Mécénas, à Tibulle, A Virgile, à Néobule,
Et même à Ligurinus.
Je riais de sa morale, Quand, au retour d'un festin, Ivre d'amour et de vin, Ce poëte libertin
Vantait sa chère frugale. Je riais du trait malin Dont sa muse joviale Frappait Lucile ou Crispin. J'aimais sur-tout la peinture Du grand dîner où sa main Fit grimacer la figure D'un gros financier romain:
Petite caricature
Que le chantre du Lutrin Eût pu laisser en latin.
Enfin mon goût peu sévère Aimait, s'il ne faut rien taire, Jusqu'à l'injure grossière Que Priape, en un jardin, Fait au nez d'une sorcière. Aujourd'hui, plus sérieux, Je sais peut-être un peu mieux Placer de justes hommages; Et, formé par ses ouvrages, J'aime à sauter quelques pages De ses vers licencieux. J'aime assez peu Canidie; Mais j'adore sa Lydie,
Sa Cinare aux blonds cheveux, Sa Tyndaris aux yeux bleus: Car le chantre d'Astérie Était fort capricieux. Ses écrits ingénieux, Sensés, malins, ou joyeux, Font le charme de ma vie. La sienne coula toujours Dans la plus heureuse ivresse ; Il fut volage en amours, Mais fidèle à la paresse. Grand buveur, soldat poltron, Philosophe sans rudesse,
Flatteur sans ambition,
Auteur sans prétention, Chéri du Dieu du Permesse, D'Auguste et de Pollion
Il fut greffier, nous dit-on,
Et pourtant à la richesse Sut préférer la chanson. Poëte sans jalousie,
Il chanta tous ses rivaux; Il aima, toute sa vie, Le vin, Mécène, Lydie, Néobule ou Glycérie, Les bons vers, et le repos. De la volage Déesse Bravant la légèreté, Préparé par la sagesse Aux coups de l'adversité, Il supporta sans faiblesse La disgrace, la détresse, Même la prospérité. Il fit son unique étude, Non de fixer le bonheur, Mais de jouir de son cœur Dans sa douce solitude. Modéré dans tous ses vœux, Sage dans la jouissance, Il sut prévoir l'inconstance Des destins capricieux, Attendre avec patience
Le moment d'être un peu mieux, Et d'un oeil d'indifférence
Voir les favoris des Dieux.
Sur les bords de la Digence J'aime à voir ce sage heureux, Dans son bourg de quatre feux, Chercher l'ombre et le silence;
J'aime à le voir dans ses bois Promener son indolence: Il m'éclaire quand sa voix Nous recommande à-la-fois La sagesse et l'indulgence; Il me ravit tour-à-tour, Soit qu'il chante son amour, Soit qu'il chante l'inconstance. Enflammé par ses écrits, Sur sa lyre, que je pris, Je célébrai la clémence D'Auguste et de Tyndaris. Il vous sera difficile, Dans ce livre travesti, De reconnaître l'ami De Tibulle et de Virgile. Mais de cet auteur charmant Content d'emprunter la lyre, Je n'osais encor traduire Ces vers malins où respire La sagesse et l'enjoûment.
Quand, sous les murs de Pergame, Patrocle, pour une femme, Allait chercher le trépas, Il prit l'armure brillante Du vengeur de Ménélas, Mais non sa pique sanglante, Trop pesante pour son bras. Vous savez la destinée De ce héros tant vanté.
Sous un costume emprunté
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