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Selon la méthode que vous prefcrivez pour les femmes, la croyance du genre humain doit donc être affervie à l'autorité, non pas à une autorité humaine, telle que celle des peres & des maris, mais à une autorité divine, qui eft celle de l'Eglife: le peuple, hors d'état d'être juge lui-même, doit recevoir la décifion des Pasteurs de l'Eglife comme celle de Dieu. Mais, en le foumettant à cette autorité, il faut le traiter avec plus d'humanité que vous ne traitez les femmes; il faut lui en dire les raifons. Non-feulement on doit lui expofer nettement ce qu'il doit croire, mais lui apprendre encore pourquoi il doit le croirec'eft parce que Dieu, connoiffant l'incapacité où nous fommes de juger par nous-mêmes de ce que nous devons croire, a établi un miniftere public, une autorité vifible pour nous enfeigner : & cet établiffement eft prouvé par la prédication de Jefus-Chrift & des Apôtres, & par la miffion fucceffive des Pafteurs qui tiennent aujourd'hui leur place.

Ainfi, Monfieur, après avoir tant déclamé contre la voie d'autorité, en matiere de Religion, vous êtes forcé d'y revenir pour les femmes, & par conféquent pour le peuple. La raison plus forte fur vous, que l'intérêt de fyftême, vous réduit enfin

à convenir que c'eft l'unique voie d'inftruction, proportionnée à la capacité du peuple, & c'est le peuple qui compofe le genre humain. Toutes les objections que vous avez faites contre cette méthode, retombent fur vous de tout leur poids; vous êtes obligé de contredire tous vos principes & de vous réfuter vous-même.

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L'ufage établi d'enfeigner la Religion au peuple de bonne heure, eft non-feulement convenable, mais néceffaire ; fi on ne lui en parle dès l'enfance, il eft en danger de ne la connoître jamais : votre méthode n'étant pas faite pour le peuple ne convient point au genre humain.

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Pour qui avez-vous donc travaillé ? Pour qui avez-vous bâti à grands frais un plan d'éducation & de Religion? pour ce qui n'eft pas peuple; mais c'eft fi peu de chofe, felon vous, que ce n'eft pas la peine de le compter. Croirons-nous que Dieu ait arrangé fes desseins, comme vous avez dirigé votre travail, uniquement pour ceux qui ne valent pas la peine d'être compiés ? Non, Monfieur, Dieu a voulu inftruire l'humanité, & non pas une poignée d'efprits vains, qui fe croient d'une espéce particuliere. Il eft le pere de tous, il n'a pas donné une Religion pour le peuple & une autre Religion pour les fçavans.

Il ne veut pas fauver les uns par la foi & les autres par la raison, les hommes par la lumiere naturelle, & les femmes par l'autorité de fa parole; la premiere n'ayant fervi qu'à égarer l'homme & à former de faux fages, il lui a plû de fauver le monde, & tout le monde, par la folie de la prédication ( a ).

Reconnoiffez donc, Monfieur, la bizarrerie de votre fyftême; vous nous objectez que la révélation rend l'homme orgueilleux (b); & vous avez l'orgueil de croire que Dieu a fait pour vous & pour un petit nombre de fçavans, une exception à fes loix; qu'en arrangeant le falut du monde, il vous a diftingués de la foule; qu'en exigeant des autres la foumission à fa parole, il vous a laiffés les maîtres de n'obéir qu'à vos propres lumieres. Pour nous, nous n'avons pas la vanité de prétendre à ce privilége ; quoique chargés d'enfeigner le peuple, nous nous faifons un devoir de croire auffi humblement que lui, & aimons mieux nous fauver, en croyant avec la multitude, qu'en raisonnant avec les Philofophes. Nous commençons donc par fubir nous-mêmes la

(a) 1. Cor. 1 21.
?

(b) Emile, tome 3, p. 123.

loi que Dieu nous ordonne de propofer en fon nom, tandis que du haut de votre tribunal vous impofez aux femmes & au fimple peuple le joug de la foi dont vous vous difpenfez.

Mais ce n'eft pas de votre main qu'ils doivent le recevoir, parce que vous êtes fans caractere pour les y foumettre. Vos leçons n'étant point faites pour l'humanité, vous êtes forcé d'en convenir; vous pouviez vous difpenfer de les don

ner.

Auffi votre maniere d'enseigner eftelle directement contraire à celle que Jefus-Chrift a ordonné de fuivre. Quand il jugea à propos de tracer un plan d'éducation, (car il en a fait un, c'est l'Evangile), & d'envoyer des Précepteurs au genre humain encore enfant ; il ne leur commanda point d'argumenter; il ne donna point pour lettre de créance, l'art de bâtir des fyftêmes & de forger des fyllogifmes, mais le pouvoir d'étonner la raifon par des prodiges. Un d'entr'eux, qui enfeignoit pour le moins auffi fçavamment que vous, difoit franchement qu'il n'avoit point employé, en prêchant, les difcours perfuafifs de la fageffe humaimais les effets fenfibles de l'efprit & de la vertu de Dieu, afin que la foi ne

ne,

fût point établie fur la fagesse des hommes mais fur la puiffance de Dieu ( a ).

Comme vous prenez une route oppofée, il eft à préfumer que vous aurez auffi un fuccès différent. Les leçons de S. Paul faifoient des Chrétiens & des fages; les vôtres formeront des incrédules & des infenfés. Voilà l'important fervice que votre plan d'éducation doit rendre à la fociété, d'apprendre à de jeunes téméraires à croire en Dieu comme vous y croyez, c'est-à-dire, comme il leur plaira, & autant qu'ils le jugeront à propos; de leur donner une Religion comme la vôtre, qui confifte à ne croire aucun des dogmes de l'Evangile ; en un mot, de produire un nombre de génies auffi finguliers que vous. Le Ciel nous en préserve, Monfieur ! fi jamais votre doctrine eft fuivie, le genre hu main est perdu.

Raffurons-nous; Dieu ne permettra pas que l'incrédulité devienne un mal épidémique; votre fyftême aura le fort de tant d'autres que notre fiécle enfante tous les jours. Vous groffirez le nombre de tous ces Auteurs fçavans par infpiration, qui enfeignent ce qu'ils n'ont ja

(a) 1, Cor. 2, 44

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