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contradictions, ce ne feroit pas une petite affaire.

Refte donc la Religion de l'homme, ou le Chriftianifme, non pas celui d'aujourd'hui, mais celui de l'Evangile qui en eft tout-à-fait différent. Vous auriez parlé plus clairement, fi vous aviez dit, conformément à vos principes, que la Religion de l'homme eft la feule Religion naturelle; car c'eft celle-là feule qui convient à l'homme, felon vous. Or c'est une dérifion pure d'appeller la Religion naturelle, la Religion de l'Evangile : il eft bien vrai que l'Evangile nous enfeigne très-clairement & très-expreffément tous les devoirs de la Religion naturelle, & que jamais l'on n'a pu les bien apprendre que là. Mais il nous prefcrit d'autres devoirs dont vous ne voulez pas.

Mais cette Religion n'ayant nulle relation particuliere avec le corps politique, laisse aux loix la feule force qu'elles tirent d'ellesmêmes, fans leur en ajouter aucune autre, & par-là un des grands liens de la fociété particulière refte fans effet. Bien plus ; loin d'attacher les cœurs des citoyens à l'Etat, elle les en détache, comme de toutes les chofes de la terre : je ne connois rien de plus contraire à l'efprit focial.

Voici la conclufion à laquelle nous avons

dû nous attendre depuis long-temps. La Religion des Prêtres ne vaut rien, elle impofe des devoirs contradictoires; la Religion nationale, fociale, civile, politique, tout comme il vous plaira, ne vaut rien, elle eft fondée sur l'erreur & le mensonge; la Religion humaine & naturelle ne vaut pas mieux: elle détache les cœurs des citoyens de l'Etat, elle eft contraire à l'esprit fociale: donc le mieux eft de n'en point avoir du tout.

Nous vous avons, Monfieur, une obligation effentielle d'avoir parlé fi clairement : nous comprenons enfin quel peut être, finon le but, du moins l'effet de vos inftructions. C'eft d'ôter aux hommes la feule Religion qui peut les rendre bons citoyens, pour leur en donner une qui, de votre aveu, n'a aucune relation particuliere avec le corps politique, qui déta che le cœur des citoyens de l'Etat. qui eft contraire à l'esprit focial.

De cet important aveu, nous tirons un raifonnement clair & fimple: Dieu ne nous a fait hommes, que pour nous rendre fociables; la fociabilité eft un des attributs effentiels de l'humanité : donc la Religion qu'il nous prefcrit, eft celle qui eft la plus favorable à l'efprit focial. Or, vous convenez que la Religion purement naturelle

n'eft point celle-là: donc la Religion que vous nous prêchez, n'eft point celle que Dieu a voulu nous donner. La vôtre peut être bonne pour les Orang-Outangs, pour les fauvages habitans des bois, qui vivent fans fociété; mais elle ne vaut rien pour des hommes.

Une fociété de vrais Chrétiens ne feroit plus une fociété d'hommes: c'est-à-dire, qu'une fociété de Chrétiens, tels que vous les imaginez, & tels que Jefus-Chrift n'a jamais penfé à les former, ne feroit plus une fociété d'hommes; cela eft très-vrai. 'Auffi foutenons-nous que vous vous faites du Chriftianisme une idée fauffe; & que, pour le rendre odieux, vous le défigurez; nous en allons voir la preuve.

Le Chriftianifme eft une Religion toute Spirituelle, occupée uniquement des chofes du Ciel; la patrie du Chrétien n'eft pas de ce monde. Vous raisonnez, Monfieur, fur de pures équivoques. Vous vous exprimeriez beaucoup mieux, en difant que le Chriftianifme nous occupe des chofes d'ici-bas, de maniere que nous ne perdions pas de vûe les chofes du Ciel. Il nous commande de remplir tous les devoirs de la fociété civile: & pour les remplir exactement, il faut être occupé des chofes d'ici-bas: le faire avec indifférence pour le fuccès, ce

feroit le faire négligemment. Jamais l'Evangile n'a défendu de fouhaiter la profpérité de l'Etat, ni de s'en réjouir; nous devons la regarder comme un bienfait de Dieu, dont nous devons le remercier. Saint Paul ordonne de prier pour cet objet, & l'Eglife le fait tous les jours. Si donc il dé pend d'un Chrétien d'empêcher l'Etat de dépérir, il le doit en confcience, & fe facrifier même pour le bien public. Vous nous faites du Chriftianisme une peinture de pure imagination.

Nous difons que notre vraie patrie; notre patrie éternelle, eft le Ciel; mais ce sentiment ne nous dispense point d'être attachés à celle que nous avons fur la terre: un mauvais fujet, un mauvais citoyen, ne fut jamais un bon Chrétien.

S'il fe trouve un feul ambitieux, un feul hypocrite, il aura bon marché de fes pieux compatriotes. Si ceux qui font en charge font leur devoir, ils veilleront pour empêcher qu'un ambitieux n'ufurpe l'autorité. Jamais la charité chrétienne n'a défendu de prendre des mefures contre les citoyens remuans ou féditieux; elle veut le bien public préférablement à l'intérêt particulier. Dieu n'ordonne point de refpecter une autorité ufurpée, tandis qu'il fubfifte dans l'Etat une puiffance légitime;

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il ne défend point de punir un ufurpateur. Le chaffer, ce n'eft point troubler le repos public, c'eft l'afflurer au contraire, & la douceur chrétienne n'eft point contraire à la juftice.

Survient-il quelque guerre étrangere? Les citoyens marchent fans peine au combat ; ils font leur devoir, mais fans paffion pour la victoire, &c. Nouvelles fuppofitions. Un Militaire attaché à fes devoirs par principe de Religion, fera vigilant, actif, la borieux, brave, appliqué à fon métier, ne négligera dans une action rien de tout ce qui peut contribuer à la victoire. On doit la défirer comme un bien public & comme le falut des citoyens; on ne doit l'attendre de la Providence, qu'en faisant tout ce que l'on peut humainement pour se la procurer. Des foldats Chrétiens ne font ni des ftoïciens, ni des ftatues, ils font intrépides par principes, & déterminés à vaincre ou à mourir,

C'étoit un beau ferment à mon gré, que celui des foldats de Fabius: ils ne jurerent pas de mourir ou de vaincre, mais ils jurerent de revenir vainqueurs, & tinrent parole : jamais des Chrétiens n'en euffent fait un pareil, ils auroient cru tenter Dieu. Le ferment des foldats de Fabius ne leur auroit pas donné la victoire, fi elle n'eût pas été

A

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