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forceront au moins à demeurer dans le doute. L'évidence générale est donc l'épreuve à laquelle l'homme se sent porté à soumettre son évidence avant de la croire infaillible.

N'est-ce pas ce que l'on aperçoit encore dans la plupart des discussions? « Que deux ou plusieurs personnes dif«< fèrent de sentiment, que font-elles après avoir mutuel«<lement essayé de se convaincre? Elles cherchent un ar« bitre, c'est-à-dire, une autorité qui détermine, sinon la << certitude, du moins la vraisemblance en faveur de l'un << des sentimens contestés... Nous nous défions des idées « mêmes qui nous paroissent les plus claires, quand nous << les voyons repoussées généralement par les autres hom« mes; et la dernière raison, souvent la seule et tou« jours la plus forte que nous puissions opposer aux so<< phistes et aux disputeurs opiniâtres, est ce mot acca« blant : Vous êtes le seul qui pensiez ainsi 1».

Voilà donc la règle de vérité que la nature elle-même nous indique, l'accord des jugemens de notre raison avec les jugemens de la raison des autres hommes. Infaillible, cette règle est le dernier moyen de certitude; car si la raison générale peut errer, combien plus toute raison individuelle. Souveraine, elle impose par une autorité que personne ne peut récuser: prétendre avoir raison contre le genre humain, ce seroit se déclarer fou, s'exclure de la société des hommes. Décisive, enfin, cette règle peut seule mettre un terme aux différends des raisons particulières. Deux hommes disputent l'un contre l'autre ; c'est une

Essai sur l'Ind., t. II, pag. 28.

raison individuelle qui est opposée à une raison individuelle: d'un côté ni de l'autre, il n'y a aucun motif de céder; il faut un juge. Il se trouve que la chose a été déjà jugée par le genre humain, qu'on ne fait que soutenir d'une part une vérité admise par tous les hommes; il y aura folie de l'autre part, si l'on ne cède pas.

La raison générale, envisagée comme règle de vérité, peut être donc considérée comme le tribunal où ressortissent les querelles des raisons individuelles, et dont la sanction imprime le dernier degré de certitude à nos jugemens. Il peut arriver, ou que notre conviction soit opposée à celle du genre humain, et alors on convient que nous devons la déclarer fausse; ou qu'elle soit la même que celle de tout le reste des hommes, et alors il n'y a aucune difficulté. Mais puisque, dans le conflit, notre raison doit céder à la raison générale, ne devons-nous pas conclure que, dans les choses où toutes deux sont conformes, c'est de la seconde que la première emprunte sa force?

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Mais, direz-vous, combien de questions sur lesquelles la raison générale n'est pas fixée! Votre règle ne s'étend pas à toutes les vérités; elle est donc insuffisante. « On ne remarque pas assez, comme on l'a très bien dit, qu'il ne s'agit pas plus de donner à l'homme la certitude <«< de toutes les vérités, que de l'enrichir de toutes les « vertus, de le rendre infaillible que de le rendre impec«< cable. Sans doute nos lumières seront toujours mêlées << de beaucoup de ténèbres, comme nos vertus de beaucoup << de défauts; c'est la condition de notre nature présente A quoi donc l'homme doit-il raisonnablement prétendre ?· A arriver à une conviction entière sur ces questions plus

curicuses qu'utiles, que Dieu, comme dit l'Écriture, a abandonnées aux disputes des philosophes, et qu'ils débattent en effet depuis quatre mille ans sans pouvoir encore s'accorder? Non, sans doute. Mais il est des vérités d'un autre ordre qui se lient directement avec les intérêts de notre avenir et notre bonheur dès la vie présente, qui sont le fondement de la religion et de l'ordre social; voilà les questions sur lesquelles il importoit que l'homme ne pût jamais élever des doutes raisonnables. Or, tous les principes qui intéressent véritablement l'homme, ayant appelé l'attention des hommes de tous les siècles, ont été toujours décidés par la raison sociale, ou plutôt ne sont que la raison sociale elle-même. On peut dire en général que l'homme doit desirer une certitude plus inébranlable à mesure que les vérités l'intéressent davantage, et on peut aussi assurer que, selon que les vérités sont plus ou moins importantes, elles ont été plus invariablement connues, transmises, parlées, et qu'elles reposent par conséquent sur des décisions de la raison générale plus claires, plus sensibles, plus irréfragables.

Il faut encore remarquer que, dès qu'il s'agit d'établir quelqu'une de ces vérités religieuses ou sociales sur lesquelles il importe surtout qu'il ne puisse rester aucune incertitude, l'application de la règle indiquée par M. de la Mennais ne peut souffrir aucune difficulté. Votre force est alors toute dans un fait qui n'est ni douteux ni contesté. L'athée convient que tout le genre humain croit à l'existence d'un premier être ; le matérialiste avoue que l'universalité morale des hommes croit à l'immortalité de l'ame. Il ne s'agit pas de prouver au matérialiste ou à l'a

380 DÉFENSE DE L'ESSAI SUR L'INDIFFÉRence.

thée , par des raisonnemens dont sa raison demeureroit juge, que la raison générale est une règle de vérité à laquelle il doit se soumettre; il ne faut que lui montrer sa position; seul contre tous les hommes, roidissant sa foible raison contre la raison de tout le genre humaiu, c'est-àdire, dans un véritable état de folie. S'il lui reste quelque lueur de bon sens, il doit céder; s'il persiste, vous devez renoncer à raisonner avec lui: on ne raisonne pas avec les fous.

Nous essayerions de faire sentir l'avantage de cette méthode sur la méthode commune, en les appliquant l'une et l'autre contre un déiste ou contre un athée, si nous ne craignions d'allonger encore un écrit qui dépasse déjà les limites où nous aurions voulu nous renfermer.

L'abbé DE**

FIN.

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CHAP. II. De la Philosophie, de son origine et de

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CHAP. VII. Pascal....

CHAP. VIII. Bossuet, Nicole, Euler.....

CHAP. IX. Danger de la Philosophie qui place dans la raison de l'homme individuel le principe de certitude.....

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CHAP. X. Exposition sommaire de la doctrine développée dans l'Essai sur l'Indifférence en matière de religion..... CHAP. XI. Éclaircissement de quelques difficultés.. 149 CHAP. XII. Importance de la doctrine exposée dans l'Essai sur l'Indifférence en matière de religion.. 157 CHAP. XIII. Ce qu'il faudroit faire pour réfuter la doctrine exposée dans l'Essai sur l'Indifférence en matière de religion...

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